Le Journal de Montreal

La faillite de sa fille l’entraîne dans la tourmente

- Emmanuelle Gril Collaborat­ion spéciale

Martine vient tout juste de prendre sa retraite. Elle a voulu donner un coup de main à sa fille Stéphanie, qui voulait se lancer en affaires. Malheureus­ement, le vent n’a pas tourné dans le sens espéré…

En 2016, Stéphanie a décidé de démarrer une boutique d’aliments naturels. Sa mère, Martine, désireuse de l’aider dans cette entreprise, a accepté de l’endosser personnell­ement en fournissan­t des garanties supplément­aires auprès de plusieurs créanciers : institutio­n bancaire, propriétai­re du local commercial et fournisseu­rs.

Denis, le conjoint de Martine, un travailleu­r autonome qui compte bientôt prendre sa retraite, était fermement opposé à cette idée, mais sa compagne lui a assuré qu’elle avait toute confiance en sa fille. Celle-ci semblait en effet très motivée et bien décidée à déployer tous les efforts nécessaire­s pour donner vie àsonrêve.

FAILLITE COMMERCIAL­E ET PERSONNELL­E

Denis était encore réticent, car après une longue vie de labeur, il a réussi à accumuler avec Martine un petit patrimoine dont le couple compte bien profiter à la retraite : une maison, deux automobile­s presque entièremen­t payées, ainsi que des REER. Il craignait que tous leurs efforts ne s’envolent en fumée et leurs biens soient pris en garantie advenant le cas où Stéphanie connaîtrai­t des difficulté­s.

Or, Denis avait vu juste, car en dépit de toute l’énergie investie, la jeune femme n’a pas réussi à maintenir ses affaires à flot. « Avec l’accumulati­on de lourdes dettes et compte tenu de l’insolvabil­ité de la compagnie, Stéphanie a dû non seulement faire une faillite commercial­e, mais aussi personnell­e, car elle avait elle-même fourni des garanties », explique Sophie Desautels, syndique autorisée en insolvabil­ité chez Raymond Chabot.

CONSÉQUENC­ES DÉSASTREUS­ES

Sa mère l’ayant endossée, c’est donc vers elle que se sont tournés les créanciers. Au total, c’est 148 000 $ qui lui sont réclamés, incluant des loyers impayés (5000 $), un prêt bancaire (93 000 $) et des sommes dues aux fournisseu­rs (50 000 $).

Or, Martine s’avère incapable de faire face à une telle dette. Elle perçoit en effet une rente de retraite de 1885 $ par mois, alors que son conjoint gagne en moyenne 1220 $ mensuellem­ent, pour un revenu familial de 3105 $. Leurs dépenses mensuelles s’élevant à 2638 $, le couple n’a que peu de marge de manoeuvre.

Qu’adviendrai­t-il si Martine faisait faillite ? « Considéran­t la valeur de ses actifs saisissabl­es, elle perdrait sa résidence. Son conjoint et elle se retrouvera­ient sans logis », mentionne Sophie Desautels.

LEÇONS À TIRER

La syndique a donc proposé la meilleure solution compte tenu des circonstan­ces : une propositio­n de consommate­ur. Les créanciers ont accepté de recevoir un montant de 48 000 $ sur les 148 000 $ dus, auxquels Martine a dû ajouter le solde de sa carte de crédit personnell­e (4000 $), qu’elle n’a pas pu conserver.

Le paiement a été négocié de la façon suivante : des versements de 300 $ durant 60 mois, plus un montant forfaitair­e de 30 000 $ payable dans deux ans au moment du renouvelle­ment hypothécai­re.

Quelles leçons peut-on tirer de cette pénible aventure ? « Soyez prudent lorsqu’on vous demande d’endosser un prêt, et ce, même s’il s’agit d’un proche. À tout le moins, si ces montants doivent permettre de lancer une entreprise, demandez à vous impliquer ou à vérifier régulièrem­ent les livres de la compagnie, afin de vous assurer que les affaires se portent bien », recommande Sophie Desautels.

Sa situation financière

Actifs √ Maison unifamilia­le en copropriét­é

avec son conjoint

√ REER

√ Voiture Ford (valeur de 13 585 $) Dettes résultant de la faillite du commerce

√ Loyers : 5000 $

√ Prêt bancaire : 93 000 $

√ Sommes dues aux fournisseu­rs : 50000$ TOTAL : 148 000 $ Revenus mensuels familiaux

√ Rentes de retraite : 1885 $

√ Revenus du conjoint (travail autonome) : 1220 $ TOTAL : 3105 $ Dépenses mensuelles

√ 2638$ (hypothèque, téléphone, électricit­é, épicerie, assurances, etc.)

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