Choisir sa vie un t-shirt à la fois
Devant être un lieu de bonheur, de récompense et de réalisation, le Centre d’achats, présenté au Théâtre d’Aujourd’hui, se transforme en une zone où tout s’écroule.
Le texte noir et teinté d’humour d’Emmanuelle Jimenez a l’ingéniosité de ne pas trop s’attaquer de front à l’acte de consommer, mais de faire sentir la dépendance qu’entretiennent les personnages féminins envers le centre commercial. C’est l’unique endroit où elles peuvent s’accomplir, où leurs désirs deviennent réalité « un t-shirt à la fois ».
Avec des personnages caricaturés, dont la démesure est marquée par des chevelures extravagantes et un maquillage exagérés, le spectateur est convié à une pièce surréaliste qui grossit et déforme la réalité pour mieux la révéler.
Un décor épuré offre un contraste à cette forme de mégalomanie dans une mise en scène de Michel-Maxime Legault. L’esthétique est renforcée par les habits du designer québécois Denis Gagnon portés par les comédiennes.
FINIR SA VIE COMME UN ZELLERS
On suit donc trois duos de femmes qui vont chercher le bonheur dans l’antre de la dépense, mais dont l’expérience vire au drame.
Celui formé par Danielle Proulx et Marie-Ginette Guay est certainement le plus intéressant. Ces deux femmes magnifiquement interprétées sentent le poids des années sur leurs épaules. L’une d’elles sombre avec le magasin Zellers qui ferme ses portes, tandis que son amie continue de voir la vie en rose grâce à la lingerie de La Senza.
La seconde paire constituée de Marie Charlebois et Anne Casabonne prend plaisir à tâter les produits ou s’imaginer les posséder. Mais le personnage interprété par une sublime Casabonne dérape, puisque sa maladie mentale reprend rapidement le dessus. Elle offre donc des moments cocasses, tandis que sa partenaire est préoccupée par la robe que sa fille (Tracy Marcelin) doit porter pour son bal de secondaire 5.
Finalement, deux soeurs diamétralement opposées nous convient à une dynamique plus convenue. La plus stressée (Madeleine Péloquin) est obsédée par l’avoir et le paraître tandis que sa frangine (Johanne Haberlin) pratique la méditation sans trop se soucier de son look.
Les traits d’esprit lumineux comme l’importance des prix qui inspirent confiance, l’évaluation de la qualité des étiquettes ou l’adoption d’une bonne attitude qui permettra en fin de compte de trouver le présent approprié égayent le spectacle. Le récit de la pièce ne fournit cependant pas beaucoup de surprises ou de rebondissements. Et malgré certains moments d’émotion, cette pièce demeure somme toute froide.