Le Journal de Montreal

Choisir sa vie un t-shirt à la fois

- EMMANUEL MARTINEZ Centre d’achats, jusqu’au 1er décembre au Théâtre d’Aujourd’hui.

Devant être un lieu de bonheur, de récompense et de réalisatio­n, le Centre d’achats, présenté au Théâtre d’Aujourd’hui, se transforme en une zone où tout s’écroule.

Le texte noir et teinté d’humour d’Emmanuelle Jimenez a l’ingéniosit­é de ne pas trop s’attaquer de front à l’acte de consommer, mais de faire sentir la dépendance qu’entretienn­ent les personnage­s féminins envers le centre commercial. C’est l’unique endroit où elles peuvent s’accomplir, où leurs désirs deviennent réalité « un t-shirt à la fois ».

Avec des personnage­s caricaturé­s, dont la démesure est marquée par des chevelures extravagan­tes et un maquillage exagérés, le spectateur est convié à une pièce surréalist­e qui grossit et déforme la réalité pour mieux la révéler.

Un décor épuré offre un contraste à cette forme de mégalomani­e dans une mise en scène de Michel-Maxime Legault. L’esthétique est renforcée par les habits du designer québécois Denis Gagnon portés par les comédienne­s.

FINIR SA VIE COMME UN ZELLERS

On suit donc trois duos de femmes qui vont chercher le bonheur dans l’antre de la dépense, mais dont l’expérience vire au drame.

Celui formé par Danielle Proulx et Marie-Ginette Guay est certaineme­nt le plus intéressan­t. Ces deux femmes magnifique­ment interprété­es sentent le poids des années sur leurs épaules. L’une d’elles sombre avec le magasin Zellers qui ferme ses portes, tandis que son amie continue de voir la vie en rose grâce à la lingerie de La Senza.

La seconde paire constituée de Marie Charlebois et Anne Casabonne prend plaisir à tâter les produits ou s’imaginer les posséder. Mais le personnage interprété par une sublime Casabonne dérape, puisque sa maladie mentale reprend rapidement le dessus. Elle offre donc des moments cocasses, tandis que sa partenaire est préoccupée par la robe que sa fille (Tracy Marcelin) doit porter pour son bal de secondaire 5.

Finalement, deux soeurs diamétrale­ment opposées nous convient à une dynamique plus convenue. La plus stressée (Madeleine Péloquin) est obsédée par l’avoir et le paraître tandis que sa frangine (Johanne Haberlin) pratique la méditation sans trop se soucier de son look.

Les traits d’esprit lumineux comme l’importance des prix qui inspirent confiance, l’évaluation de la qualité des étiquettes ou l’adoption d’une bonne attitude qui permettra en fin de compte de trouver le présent approprié égayent le spectacle. Le récit de la pièce ne fournit cependant pas beaucoup de surprises ou de rebondisse­ments. Et malgré certains moments d’émotion, cette pièce demeure somme toute froide.

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