Un diachylon pour la presse écrite
Dans sa mise à jour économique de mardi, le ministre Bill Morneau a annoncé un bouquet de mesures fort attendues pour soutenir la presse écrite.
Saluons d’abord que la politique présentée soit destinée à l’ensemble de l’industrie plutôt que de se limiter à quelques cadeaux pour des médias choisis, comme l’avait préconisé à Québec l’ancien gouvernement libéral.
L’engagement de 595 millions de dollars sur cinq ans a été bien accueilli par des patrons de presse à bout de souffle. On devrait toutefois s’inquiéter que les propositions ne s’attaquent pas au problème de fond que constitue la fuite des revenus publicitaires vers les géants du web. Pour l’heure, les contribuables compenseront à grands frais la concurrence déloyale des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), qui bénéficient de la complaisance fiscale du gouvernement Trudeau.
MESURES PORTEUSES OU BONBONS
La mesure la plus intéressante, c’est ce crédit d’impôt sur la masse salariale destinée à la production de contenu journalistique pour les entreprises de presse écrite. Elle encourage la création de ce que les médias doivent offrir à leurs lecteurs pour les garder.
Un comité devra toutefois être formé pour déterminer quels emplois correspondent à la définition du journalisme, une activité qui a changé. On a davantage recours à la pige, puis les graphistes, programmeurs, webmestres et animateurs de communauté se sont invités dans les salles de rédaction et produisent du contenu. Il faudra en tenir compte.
Deuxième proposition, la possibilité pour les OBNL de remettre des reçus fiscaux en échange de dons apparaît être taillée sur mesure pour La Presse, une entreprise traditionnellement proche des libéraux fédéraux. Pour que cette intervention soit légitime, on devra s’assurer que d’autres journaux puissent s’en prévaloir.
Dernière solution proposée, le crédit d’impôt de 15 % pour les abonnements numériques est également intéressant. Beaucoup de médias écrits ont misé sur un modèle reposant sur la gratuité. Ce message selon lequel l’information ne coûte rien dessert le travail journalistique.
LE NERF DE LA GUERRE
Les propositions présentées cette semaine demeurent un projet largement incomplet s’ils visent réellement à assurer la survie de la presse écrite. Le nerf de la guerre, c’est d’aider les médias à faire de l’argent à nouveau.
Les GAFAM vampirisent le marché publicitaire des entreprises de presse, dont ils exploitent en plus les contenus, le tout sans contrepartie. En négligeant de les soumettre aux mêmes contraintes fiscales, dont celle de percevoir des taxes sur leurs ventes, le gouvernement fédéral se fait complice de l’affaiblissement du journalisme d’ici. Et il pousse l’odieux jusqu’à déplacer ses propres dépenses publicitaires de la presse écrite vers ces géants du web, dont les lobbyistes circulent allègrement dans les officines ministérielles.
Facebook et Google n’ont toutefois pas pour vocation de surveiller le gouvernement. La presse écrite, oui.
Le gouvernement Trudeau ne fait donc que mettre un diachylon de 595 M$ sur une plaie béante qu’il contribue lui-même à agrandir. Son action se limite à un assistanat dont les médias devront régulièrement demander le maintien, ce qui est démocratiquement malsain.
Pour ramener définitivement la presse écrite sur le chemin de la rentabilité, il n’y a qu’une solution : les libéraux fédéraux devront prendre leurs responsabilités devant leurs amis des GAFAM.
Les contribuables compenseront à grands frais la concurrence déloyale des GAFAM.