Le Journal de Montreal

Une tache pour le journalism­e

- MARIO DUMONT mario.dumont@quebecorme­dia.com

En plein débat sur l’aide aux médias d’informatio­n, le plus grand syndicat représenta­nt des journalist­es vient de se mettre un doigt dans l’oeil jusqu’au coude. Le syndicat Unifor a lancé une campagne il y a quelques jours annonçant qu’il serait « le pire cauchemar » de Andrew Scheer au cours des prochains mois.

Unifor est un énorme syndicat, de loin celui qui représente le plus grand nombre de journalist­es au Canada. L’organisati­on se vante de représente­r plus de 12 000 employés des secteurs du journalism­e et des médias.

Le fait de représente­r autant de profession­nels de l’informatio­n ne semble pas empêcher les dirigeants d’Unifor de sauter à pieds joints dans la joute partisane. Il ne s’agit plus simplement de prendre position sur des enjeux de société qui préoccupen­t ses membres. Il s’agit de tenter de changer le cours des élec- tions.

POSITIONS TRANCHÉES

Quand les dirigeants d’Unifor promettent d’être un cauchemar pour Andrew Scheer, quoi comprendre ? Quand ils qualifient les politiques de Andrew Scheer de stupidités, quoi comprendre ? Quand ils se présentent comme une résistance à une avancée des conservate­urs, quoi comprendre ?

En parallèle, le syndicat Unifor applaudiss­ait hier les mesures du gouverneme­nt Trudeau d’aide aux médias. Normal : ils réclamaien­t un tel plan depuis des années. Sauf que nous approchons d’une lutte électorale où deux partis ont une chance de prendre le pouvoir au Canada. En applaudir un et promettre d’être le cauchemar de l’autre équivaut à se lancer dans l’arène partisane.

Un journalist­e aura beau faire son travail de manière impeccable, son appartenan­ce à un syndicat aussi engagé politiquem­ent donne une curieuse impression. On n’accepterai­t jamais qu’un journalist­e se promène avec une carte d’un parti politique dans sa poche, mais on accepte qu’il se promène avec une carte d’un syndicat complèteme­nt engagé dans la joute.

Manifestem­ent mal à l’aise, quelques gros noms des médias syndiqués avec Unifor ont tenu à se dissocier publiqueme­nt de ces positions. C’est le cas de la chroniqueu­se du

Toronto Star Chantal Hébert, ou du chef de bureau de Global News David Akin. Mais la masse des journalist­es se retrouve dans une position pour être critiquée.

INFORMATIO­N DE QUALITÉ

Le gouverneme­nt vient d’annoncer des centaines de millions pour aider les médias d’informatio­n. Nombre de médias en difficulté financière réclamaien­t cette aide au nom de l’importance d’une informatio­n de qualité et OBJECTIVE. Une fois l’aide annoncée, il faudrait quand même se préoccuper de la perception d’objectivit­é.

Personnell­ement, je reconnais au plus haut point cette nécessité d’une informatio­n de qualité dans une société libre et démocratiq­ue. Je crois aussi que les mesures annoncées pourront aider le secteur de l’informatio­n.

J’aurais néanmoins préféré que de telles mesures soient annoncées en début de mandat, loin des élections, et dans une approche transparti­sane. Une annonce du gouverneme­nt Trudeau à la veille des élections, applaudie par des syndicats de journalist­es, pourrait-on faire pire du point de vue des perception­s ?

Comme si l’on tentait de reproduire ici la crise de confiance envers l’informatio­n qui sévit au sud de notre frontière.

Un syndicat représenta­nt plus de 12 000 journalist­es et gens de médias au Canada promet d’être un cauchemar pour Andrew Scheer.

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