Une tache pour le journalisme
En plein débat sur l’aide aux médias d’information, le plus grand syndicat représentant des journalistes vient de se mettre un doigt dans l’oeil jusqu’au coude. Le syndicat Unifor a lancé une campagne il y a quelques jours annonçant qu’il serait « le pire cauchemar » de Andrew Scheer au cours des prochains mois.
Unifor est un énorme syndicat, de loin celui qui représente le plus grand nombre de journalistes au Canada. L’organisation se vante de représenter plus de 12 000 employés des secteurs du journalisme et des médias.
Le fait de représenter autant de professionnels de l’information ne semble pas empêcher les dirigeants d’Unifor de sauter à pieds joints dans la joute partisane. Il ne s’agit plus simplement de prendre position sur des enjeux de société qui préoccupent ses membres. Il s’agit de tenter de changer le cours des élec- tions.
POSITIONS TRANCHÉES
Quand les dirigeants d’Unifor promettent d’être un cauchemar pour Andrew Scheer, quoi comprendre ? Quand ils qualifient les politiques de Andrew Scheer de stupidités, quoi comprendre ? Quand ils se présentent comme une résistance à une avancée des conservateurs, quoi comprendre ?
En parallèle, le syndicat Unifor applaudissait hier les mesures du gouvernement Trudeau d’aide aux médias. Normal : ils réclamaient un tel plan depuis des années. Sauf que nous approchons d’une lutte électorale où deux partis ont une chance de prendre le pouvoir au Canada. En applaudir un et promettre d’être le cauchemar de l’autre équivaut à se lancer dans l’arène partisane.
Un journaliste aura beau faire son travail de manière impeccable, son appartenance à un syndicat aussi engagé politiquement donne une curieuse impression. On n’accepterait jamais qu’un journaliste se promène avec une carte d’un parti politique dans sa poche, mais on accepte qu’il se promène avec une carte d’un syndicat complètement engagé dans la joute.
Manifestement mal à l’aise, quelques gros noms des médias syndiqués avec Unifor ont tenu à se dissocier publiquement de ces positions. C’est le cas de la chroniqueuse du
Toronto Star Chantal Hébert, ou du chef de bureau de Global News David Akin. Mais la masse des journalistes se retrouve dans une position pour être critiquée.
INFORMATION DE QUALITÉ
Le gouvernement vient d’annoncer des centaines de millions pour aider les médias d’information. Nombre de médias en difficulté financière réclamaient cette aide au nom de l’importance d’une information de qualité et OBJECTIVE. Une fois l’aide annoncée, il faudrait quand même se préoccuper de la perception d’objectivité.
Personnellement, je reconnais au plus haut point cette nécessité d’une information de qualité dans une société libre et démocratique. Je crois aussi que les mesures annoncées pourront aider le secteur de l’information.
J’aurais néanmoins préféré que de telles mesures soient annoncées en début de mandat, loin des élections, et dans une approche transpartisane. Une annonce du gouvernement Trudeau à la veille des élections, applaudie par des syndicats de journalistes, pourrait-on faire pire du point de vue des perceptions ?
Comme si l’on tentait de reproduire ici la crise de confiance envers l’information qui sévit au sud de notre frontière.
Un syndicat représentant plus de 12 000 journalistes et gens de médias au Canada promet d’être un cauchemar pour Andrew Scheer.