Le Journal de Montreal

Grosses ventes chez Bombardier

Un expert questionne les pratiques de gouvernanc­e

- SYLVAIN LAROCQUE

Plusieurs employés et ex-employés de Bombardier ont profité du sursaut boursier de l’entreprise, cet été, pour monnayer leurs options d’achat d’actions.

Du début juillet à la fin septembre, près de 18 millions d’options ont été exercées, lit-on dans les plus récents états financiers de Bombardier. C’était la première fois en près de cinq ans que des options étaient ainsi converties en actions.

De façon générale, les actions obtenues par l’exercice d’options sont rapidement vendues sur le marché. « C’est habituelle­ment le cas, mais pas toujours », indique Ted Dixon, de la firme spécialisé­e INK Research et du site Canadian Insider.

DANS LE NOIR JUSQU’EN MARS

Ce fort volume de transactio­ns coïncide avec la mise en place, le 15 août, d’un régime d’aliénation de titres automatiqu­e (RATA) qui permet à 12 hauts dirigeants de Bombardier de se départir de plus de 33 millions d’actions obtenues par l’exercice d’options. Les ventes de titres étaient autorisées à partir du 17 septembre.

Bombardier a toutefois obtenu de l’Autorité des marchés financiers (AMF) une dispense qui donne aux dirigeants jusqu’au 31 mars prochain pour divulguer les transactio­ns réalisées par l’entremise duRATA.

Impossible, donc, de savoir combien des 18 millions d’options qui ont été converties en actions, puis vraisembla­blement liquidées, l’ont été dans le cadre du RATA du 17 au 30 septembre. Rappelons que le titre de Bombardier a fortement chuté en Bourse dans les semaines qui ont suivi.

« Les chiffres concernant les options d’achat d’actions s’appliquent à tous les employés et ex-employés », précise Simon Letendre, porte-parole de Bombardier.

M. Dixon n’est pas surpris qu’autant d’options aient été exercées au cours des derniers mois.

« L’action se négociait à des sommets [depuis au moins 2013], alors il n’était pas anormal que des détenteurs d’options décident de vendre », note-t-il.

Le spécialist­e déplore toutefois le secret qui entoure le RATA. Selon lui, la dispense de divulgatio­n demandée et obtenue par Bombardier ne respecte pas les « meilleures pratiques » en matière de gouvernanc­e d’entreprise.

UN DRAPEAU ROUGE

« Pour nous, une dispense, c’est un drapeau rouge », affirme-t-il.

Selon lui, les entreprise­s canadienne­s qui se dotent d’un RATA ne demandent généraleme­nt pas de dispense de divulgatio­n, de sorte que les ventes d’actions des initiés doivent être déclarées dans les cinq jours ouvrables. Aux États-Unis, où les RATA sont plus répandus qu’au Canada, aucune dispense de divulgatio­n n’est possible.

En retardant la publicatio­n des transactio­ns faites par l’entremise d’un RATA, les entreprise­s veulent éviter la mauvaise image associée à la vente massive d’actions par des dirigeants. Pour se justifier, elles insistent sur le fait que les transactio­ns sont effectuées par un courtier qui suit des instructio­ns données à l’avance par le dirigeant. Des options d’achat d’actions permettent à des salariés d’obtenir des actions de leur employeur si le cours boursier de l’entreprise atteint un certain niveau préétabli.

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