ÇA VA COÛTER UNE FORTUNE JUSQU’EN 2047
Méga-hôpitaux en PPP
8000 $ pour deux prises électriques 35 000 $ pour une porte 4000 $ pour de la peinture sur un plancher
Québec a voulu garder secrète une entente qui garantit jusqu’à 26 % de profits et de frais de gestion aux entreprises privées qui font des travaux de rénovation au CHUM et au CUSM.
Selon des documents obtenus par notre Bureau d’enquête, chaque petite modification aux deux mégahôpitaux coûte une petite fortune aux contribuables en partie à cause de ces frais.
Et il en sera de même jusqu’en 2047 au CHUM et en 2044 au CUSM, soit pendant les 30 ans que dureront les contrats en partenariat public-privé (PPP).
Ainsi, au Centre universitaire de santé McGill (CUSM), les Québécois ont payé plus de 8000 $ pour faire installer les prises électriques de deux congélateurs. L’établissement a également déboursé environ 35 000 $ pour réaménager le bureau du directeur général en y ajoutant notamment une porte.
Le centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), pour sa part, a payé 40 000 $ pour l’installation de guichets automatiques et 4000 $ pour de la peinture afin de marquer le plancher de la morgue. On a également facturé 750 $ pour des téléphones de bureau qu’on retrouve à seulement 275 $ sur Amazon.
Pourquoi ces travaux mineurs coûtentils si cher ?
C’est en partie parce que chaque fois, les partenaires privés chargés de l’entretien ont facturé des frais de gestion et des profits variant entre 8 et 20 %. À cela s’ajoute une deuxième couche de frais sur les travaux confiés à des sous-traitants (voir les exemples ci-contre), pour un total allant jusqu’à 26 %.
FRAIS GARDÉS SECRETS
Même si ces frais sont payés par les contribuables, ils ont toujours été gardés secrets. Le CHUM nous a finalement donné le coût des travaux après deux mois de démarches, mais sans révéler la part versée au partenaire privé.
Au CUSM, on s’est contenté de donner un montant global de 1,3 million $ pour une série de 38 travaux effectués au cours de la dernière année. Il a donc fallu des sources confidentielles pour avoir plus de détails.
Le porte-parole du Bureau de modernisation des CHU de Montréal, Martin Viau, a indiqué que les frais de gestion et profits étaient cachées « pour ne pas nuire à sa compétitivité [du partenaire privé] ».
« On a même dû refuser des demandes d’accès aux documents », a-t-il mentionné.
Le Bureau de modernisation des CHU a chapeauté la construction des deux mégahôpitaux pour lesquels les Québécois ont investi pas moins de 4,2 milliards $.
FACTURES SALÉES
L’escalade des coûts ne s’arrête pas là. √ Pour chaque petit travail, les consortiums exigent que les plans soient mis à jour, ce qui entraîne des frais supplémentaires. Au CHUM, par exemple, un devis des travaux prévoit des frais d’architecture de 3700 $ pour mettre à jour les plans d’un local où l’on veut installer un comptoir en coin et des prises internet et téléphoniques.
√ Le coût des ouvriers facturé par les consortiums aux contribuables a également été gardé secret. Nous avons découvert qu’au CUSM, il atteint 125 $ l’heure. On a ainsi calculé des dépenses de 250 $ pour un ouvrier chargé de percer deux murs en céramique et d’installer deux boîtiers.
En conséquence, des sources indiquent qu’il n’est pas rare que l’installation d’une nouvelle prise de courant coûte trois fois plus cher que dans les autres hôpitaux.
Les ententes de partenariat du CHUM et du CUSM prévoient que l’entreprise privée doit tout faire pour réduire au maximum les coûts facturés.
Si les hôpitaux jugent que l’estimation des travaux faite par les consortiums est trop onéreuse, ils peuvent toujours donner un contrat à une autre entreprise.
Or, selon nos informations, cette formule n’est pas optimale puisque les travaux doivent quand même être approuvés et inspectés par le partenaire privé, ce qui fait là aussi gonfler la facture. Les frais pour les travaux de modification s’ajoutent aux millions déjà versés annuellement aux consortiums privés pour l’entretien des hôpitaux.