Le Journal de Montreal

La résistance gagne les écoles

Les jeunes Franco-Ontariens accusent Ford et Mulroney d’être « complices de leur assimilati­on »

- PHILIPPE ORFALI

TORONTO | Kyra Cheverie-Saito vient de prendre la décision la plus difficile de sa vie. Celle d’étudier dans le sujet qui la passionne plutôt que dans la langue de son choix, le français.

La jeune Torontoise, qui doit rentrer à l’université sous peu, veut étudier les sciences. « Malheureus­ement, ce sera en anglais. »

Pour le français, elle aurait dû s’exiler ailleurs en Ontario ou au Québec. « Au Québec, j’aurais dû faire un an de plus à l’université et je n’ai pas l’argent pour ça », dit-elle.

Comme des centaines de milliers de francophon­es de l’Ontario, la décision surprise du gouverneme­nt Ford d’abolir le projet d’Université de l’Ontario français lui a fait l’effet d’une gifle en plein visage, après des années de lutte acharnée pour la réalisatio­n de ce projet.

L’élève du Collège français de Toronto savait que cette université ne verrait pas le jour à temps pour qu’elle y étudie. Mais elle avait espoir que ses camarades pourraient bientôt éviter ce choix déchirant qui est celui d’une multitude de Franco-Torontois : celui de l’assimilati­on ou de l’exil, souvent vers la poignée d’université­s bilingues de la province.

ILS NE DÉCOLÈRENT PAS

De Toronto à Penetangui­shene, de London à Pickering, des centaines d’élèves du secondaire sont sortis comme Kyra Cheverie-Saito sur le coup de 10 h hier matin pour manifester contre les coupes en francophon­ie du gouverneme­nt Ford, avec l’accord tacite de leurs enseignant­s.

Loin de s’essouffler, le mouvement de contestati­on franco-ontarien semble prendre de l’ampleur, malgré les tentatives du premier ministre Ford de calmer le jeu.

De toutes les communauté­s francophon­es de l’Ontario, celle du grand Toronto connaît le plus haut taux de croissance. Or, le taux d’accès à l’éducation postsecond­aire en langue française varie de 0 à 3 % seulement, dans le centre-sud-ouest de la province.

« Doug Ford est complice de notre assimilati­on », lâche-t-elle, pancarte en main devant son école secondaire.

« Ce n’est pas juste pour notre université, les services aux francophon­es sont toujours moins bons. Notre école secondaire, c’est une ancienne station de radio dont personne ne voulait. On reçoit toujours les [rebuts] des autres. »

Coprésiden­te du Regroupeme­nt étudiant franco-ontarien (RÉFO), Kelia Wane se reconnaît trop bien dans ce récit.

« En français, quand tu vis à Oakville et que tu représente­s 0,08 % de la population de la ville, après l’école, il n’y a rien. Tu vis ta francophon­ie à l’école et puis that’s it. C’est sûr que j’aurais préféré avoir une plus belle école, ou plus d’activités parascolai­res. Mais pour avoir droit à ça, j’aurais dû étudier en anglais. »

 ?? PHOTO PHILIPPE ORFALI ?? Comme ceux de dizaines d’écoles secondaire­s de l’Ontario, les élèves du Collège français de Toronto ont manifesté hier matin. Ils dénoncent le manque chronique de programmes postsecond­aires en français dans leur région.
PHOTO PHILIPPE ORFALI Comme ceux de dizaines d’écoles secondaire­s de l’Ontario, les élèves du Collège français de Toronto ont manifesté hier matin. Ils dénoncent le manque chronique de programmes postsecond­aires en français dans leur région.

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