La résistance gagne les écoles
Les jeunes Franco-Ontariens accusent Ford et Mulroney d’être « complices de leur assimilation »
TORONTO | Kyra Cheverie-Saito vient de prendre la décision la plus difficile de sa vie. Celle d’étudier dans le sujet qui la passionne plutôt que dans la langue de son choix, le français.
La jeune Torontoise, qui doit rentrer à l’université sous peu, veut étudier les sciences. « Malheureusement, ce sera en anglais. »
Pour le français, elle aurait dû s’exiler ailleurs en Ontario ou au Québec. « Au Québec, j’aurais dû faire un an de plus à l’université et je n’ai pas l’argent pour ça », dit-elle.
Comme des centaines de milliers de francophones de l’Ontario, la décision surprise du gouvernement Ford d’abolir le projet d’Université de l’Ontario français lui a fait l’effet d’une gifle en plein visage, après des années de lutte acharnée pour la réalisation de ce projet.
L’élève du Collège français de Toronto savait que cette université ne verrait pas le jour à temps pour qu’elle y étudie. Mais elle avait espoir que ses camarades pourraient bientôt éviter ce choix déchirant qui est celui d’une multitude de Franco-Torontois : celui de l’assimilation ou de l’exil, souvent vers la poignée d’universités bilingues de la province.
ILS NE DÉCOLÈRENT PAS
De Toronto à Penetanguishene, de London à Pickering, des centaines d’élèves du secondaire sont sortis comme Kyra Cheverie-Saito sur le coup de 10 h hier matin pour manifester contre les coupes en francophonie du gouvernement Ford, avec l’accord tacite de leurs enseignants.
Loin de s’essouffler, le mouvement de contestation franco-ontarien semble prendre de l’ampleur, malgré les tentatives du premier ministre Ford de calmer le jeu.
De toutes les communautés francophones de l’Ontario, celle du grand Toronto connaît le plus haut taux de croissance. Or, le taux d’accès à l’éducation postsecondaire en langue française varie de 0 à 3 % seulement, dans le centre-sud-ouest de la province.
« Doug Ford est complice de notre assimilation », lâche-t-elle, pancarte en main devant son école secondaire.
« Ce n’est pas juste pour notre université, les services aux francophones sont toujours moins bons. Notre école secondaire, c’est une ancienne station de radio dont personne ne voulait. On reçoit toujours les [rebuts] des autres. »
Coprésidente du Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO), Kelia Wane se reconnaît trop bien dans ce récit.
« En français, quand tu vis à Oakville et que tu représentes 0,08 % de la population de la ville, après l’école, il n’y a rien. Tu vis ta francophonie à l’école et puis that’s it. C’est sûr que j’aurais préféré avoir une plus belle école, ou plus d’activités parascolaires. Mais pour avoir droit à ça, j’aurais dû étudier en anglais. »