Le Journal de Montreal

Trop de médicament­s prescrits

De plus en plus de Québécois, soit un sur quatre, prennent des statines

- Héloïse Archambaul­t HArchambau­ltJDM heloise.archambaul­t @quebecorme­dia.com 514.599.5888 8038

Le nombre de Québécois qui prennent des statines, ces médicament­s qui réduisent le cholestéro­l, a augmenté de 430 % depuis 20 ans au Québec. Une tendance liée aux mauvaises habitudes de vie, constatent des médecins.

« C’est trop, c’est clair », réagit le Dr Paul Poirier, cardiologu­e à l’Institut universita­ire de cardiologi­e et de pneumologi­e de Québec.

« Le monde travaille sur le mode hypothèque pour leur santé, pas le mode REER », cite-t-il en exemple.

Quelque 930 000 Québécois ont consommé des statines l’an dernier, selon les données de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).

Considéran­t que 3,6 millions de personnes sont couvertes par ce régime, c’est donc dire que le quart des Québécois ont une prescripti­on de statines (voir tableau).

Celles-ci aident à baisser le taux de cholestéro­l, et réduisent les risques de problèmes cardiaques.

EN PRÉVENTION

Deux catégories de patients sont visées : ceux qui ont des antécédent­s cardiaques et ceux en prévention primaire.

Pour ce deuxième groupe, qui représente plus de 80 % des patients, beaucoup de médecins dénoncent la surprescri­ption inutile. Dans plusieurs pays, la controvers­e divise la communauté médicale.

« Ce médicament-là, c’est du poison », croit Madone Tremblay, une patiente qui a cessé sa prescripti­on en raison de graves douleurs (voir autre texte).

Selon plusieurs cardiologu­es, il est possible d’éviter la médication grâce à une bonne hygiène de vie (activité physique et saine alimentati­on).

« Il se donne trop de statines en prévention primaire, croit le Dr Poirier. Mais, c’est pour contrecarr­er toutes les cochonneri­es que le monde mange. »

« REMÈDE MIRACLE »

« Les gens sont à la recherche du remède miracle. Ils disent : “je fais zéro effort, et je prends quelque chose qui va me permettre de passer à côté de maladies cardiaques” », affirme le Dr Jean Grégoire, cardiologu­e à l’Institut de cardiologi­e de Montréal.

Selon lui, la surprescri­ption inutile et le vieillisse­ment de la population expliquent aussi la hausse observée. La prise de statines débute souvent après 50 ans, soit l’âge où l’accumulati­on de mauvais cholestéro­l commence à causer des problèmes.

L’an dernier, la facture de statines à la RAMQ a frôlé les 130 millions $. Or, le montant payé a déjà dépassé les 330 M$ (avant l’arrivée des médicament­s génériques).

COMME UNE ASSURANCE

Selon le directeur de la cardiologi­e génomique et préventive au Centre universita­ire de santé McGill, la prise de médicament ne compense pas l’importance de bonnes habitudes de vie.

« Ce n’est pas un ou l’autre », croit le Dr George Thanassoul­is.

Bien que convaincu des bienfaits des statines, il précise qu’aucun patient qui a un risque modéré n’est forcé d’en prendre.

« C’est comme choisir de s’assurer pour une voiture ou une maison », dit le Dr Thanassoul­is.

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PHOTO COLLABORAT­ION SPÉCIALE, MAGALI DESLAURIER­S Madone Tremblay, âgée de 69 ans, ne prend plus de statines depuis qu’elle a réalisé que ça lui causait d’intenses douleurs musculaire­s. Depuis 20 ans, le nombre de Québécois qui en prennent a augmenté de 437 %.
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GEORGE THANASSOUL­IS Docteur

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