Trop de médicaments prescrits
De plus en plus de Québécois, soit un sur quatre, prennent des statines
Le nombre de Québécois qui prennent des statines, ces médicaments qui réduisent le cholestérol, a augmenté de 430 % depuis 20 ans au Québec. Une tendance liée aux mauvaises habitudes de vie, constatent des médecins.
« C’est trop, c’est clair », réagit le Dr Paul Poirier, cardiologue à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec.
« Le monde travaille sur le mode hypothèque pour leur santé, pas le mode REER », cite-t-il en exemple.
Quelque 930 000 Québécois ont consommé des statines l’an dernier, selon les données de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).
Considérant que 3,6 millions de personnes sont couvertes par ce régime, c’est donc dire que le quart des Québécois ont une prescription de statines (voir tableau).
Celles-ci aident à baisser le taux de cholestérol, et réduisent les risques de problèmes cardiaques.
EN PRÉVENTION
Deux catégories de patients sont visées : ceux qui ont des antécédents cardiaques et ceux en prévention primaire.
Pour ce deuxième groupe, qui représente plus de 80 % des patients, beaucoup de médecins dénoncent la surprescription inutile. Dans plusieurs pays, la controverse divise la communauté médicale.
« Ce médicament-là, c’est du poison », croit Madone Tremblay, une patiente qui a cessé sa prescription en raison de graves douleurs (voir autre texte).
Selon plusieurs cardiologues, il est possible d’éviter la médication grâce à une bonne hygiène de vie (activité physique et saine alimentation).
« Il se donne trop de statines en prévention primaire, croit le Dr Poirier. Mais, c’est pour contrecarrer toutes les cochonneries que le monde mange. »
« REMÈDE MIRACLE »
« Les gens sont à la recherche du remède miracle. Ils disent : “je fais zéro effort, et je prends quelque chose qui va me permettre de passer à côté de maladies cardiaques” », affirme le Dr Jean Grégoire, cardiologue à l’Institut de cardiologie de Montréal.
Selon lui, la surprescription inutile et le vieillissement de la population expliquent aussi la hausse observée. La prise de statines débute souvent après 50 ans, soit l’âge où l’accumulation de mauvais cholestérol commence à causer des problèmes.
L’an dernier, la facture de statines à la RAMQ a frôlé les 130 millions $. Or, le montant payé a déjà dépassé les 330 M$ (avant l’arrivée des médicaments génériques).
COMME UNE ASSURANCE
Selon le directeur de la cardiologie génomique et préventive au Centre universitaire de santé McGill, la prise de médicament ne compense pas l’importance de bonnes habitudes de vie.
« Ce n’est pas un ou l’autre », croit le Dr George Thanassoulis.
Bien que convaincu des bienfaits des statines, il précise qu’aucun patient qui a un risque modéré n’est forcé d’en prendre.
« C’est comme choisir de s’assurer pour une voiture ou une maison », dit le Dr Thanassoulis.