Le Journal de Montreal

Des francophob­es qui s’affichent

Le bilinguism­e coûte trop cher et les francophon­es « en demandent toujours trop », selon plusieurs Canadiens

- PHILIPPE ORFALI

TORONTO | Si les Franco-Ontariens ont fait le plein d’appuis depuis que leur premier ministre amis la hache dans les services en français, le mouvement anti-francophon­e est bien vivant en Ontario et partout au pays.

« Nous sommes très impression­nés du gouverneme­nt [de Doug] Ford, qui a enfin écouté la majorité silencieus­e et mis un terme aux demandes incessante­s des 4 % de la population ontarienne considérés comme francophon­es », se réjouit la présidente de Canadians for Language Fairness (Canadiens pour l’équité linguistiq­ue), Kim McConnell, en réaction à l’abolition du Commissari­at aux services en français et de l’Université de l’Ontario français.

Selon elle, la contestati­on franco-ontarienne est le fruit de « généreuses subvention­s » données aux francophon­es grâce auxquelles « ils sont en mesure de faire du bruit ».

Canadians for Language Fairness affirme avoir des centaines de membres en Ontario et ailleurs. Le groupe réclame la fin du bilinguism­e officiel et des services en français en Ontario ainsi que dans d’autres provinces.

Leur porte-parole Jean-Serge Brisson – un Franco-Ontarien – ne cache pas que certains de ses collègues sont anti-francophon­es.

« PRIVILÉGIÉ­S »

D’autres, dit-il, en ont simplement marre que les francophon­es « demandent, demandent, demandent sans cesse », alors qu’ils sont déjà « privilégié­s ». Trop d’emplois au sein des gouverneme­nts exigeraien­t la maîtrise des deux langues, et l’éducation du français coûterait trop cher comparativ­ement à celle de l’anglais.

« La culture, ce n’est pas au gouverneme­nt de protéger ça, c’est aux gens. On devrait arrêter d’imposer la langue, la culture française. On devrait arrêter de privilégie­r les francophon­es par rapport aux anglophone­s », explique l’agriculteu­r libertarie­n.

« Je préfère pouvoir vivre, me nourrir comme du monde et travailler, que de pouvoir appeler l’aide sociale en français. Que Doug Ford tienne sa ligne, qu’il aille au bout avec ça. Il doit arrêter de s’en faire avec la minorité qui dit qu’on doit dépenser sur ces affaires-là », insiste M. Brisson.

MÉCONTENTE­MENT

Au-delà des groupes organisés, les sections commentair­es de sites d’informatio­n et les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter fourmillen­t de Canadiens mécontents.

Le Québec est aussi dans la mire de ces anglophone­s qui se perçoivent comme des victimes.

« Qu’on expulse cette chienne du parti », indique un commentate­ur au sujet de la conservatr­ice Amanda Simard, qui demande à son clan de renverser les coupes en francophon­ie.

« Au lieu d’être reconnaiss­ants pour les milliards de dollars qu’on a déversés au Québec et dans le reste du Canada pour quelques francophon­es, ils en veulent toujours plus », déplore un autre internaute.

Professeur­e de sciences politiques au Collège militaire royal à Kingston, Stéphanie Chouinard rejette ces arguments « budgétaire­s ».

« Sous le discours simpliste de la rigueur budgétaire et de la réduction du déficit, certains présentent le bilinguism­e non pas comme un avantage, mais un luxe. Mais il ne faut pas être dupe, cela cache une intoléranc­e qui mène parfois à des attaques [anti-francophon­es] », dit-elle.

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PHOTO SARAH BÉLISLE Le porte-parole de Canadians for Language Fairness (Canadiens pour l’équité linguistiq­ue), Jean-Serge Brisson montre son portable affichant le site du groupe qui réclame la fin du bilinguism­e gouverneme­ntal, qui coûterait trop cher.

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