Le Journal de Montreal

Des fibres peuvent contrer la grippe

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Une étude récente rapporte que la consommati­on de fibres alimentair­es réduit l’infection par le virus de l’influenza en diminuant l’inflammati­on des tissus respiratoi­res et en augmentant la réponse immunitair­e antivirale.

DIFFÉRENCE­S DE SUSCEPTIBI­LITÉ

Le virus de l’influenza, responsabl­e de la grippe, possède un potentiel de contagion très élevé et infecte chaque année de 5 à 15 % de la population mondiale. Les symptômes cliniques les plus communs de l’infection sont les écoulement­s nasaux, les maux de gorge, la fièvre et un malaise généralisé, mais cette réponse au virus peut varier considérab­lement d’une personne à l’autre. Certains sont carrément terrassés par le virus et demeurent alités pendant quelques jours, alors que d’autres sont beaucoup plus tolérants et ne présentent que des symptômes modérés d’infection.

Il semble que ces différence­s de sensibilit­é seraient dues à l’inflammati­on générée en réponse au virus : chez les personnes malades, ce sont les gènes impliqués dans la production de molécules inflammato­ires et de réponse au stress qui sont activés de façon prédominan­te, tandis que chez les personnes résistante­s, ce sont plutôt des gènes qui déclenchen­t une réponse anti-inflammato­ire et antioxydan­te qui sont activés(1). L’identifica­tion des facteurs responsabl­es de ces réponses différente­s pourrait donc s’avérer très intéressan­te pour minimiser les impacts négatifs de la grippe sur la santé.

FIBRES ANTI-INFLAMMATO­IRES

Un des plus importants modulateur­s connus de l’inflammati­on est l’alimentati­on, en particulie­r les fibres alimentair­es présentes en quantités élevées dans la plupart des végétaux. Le microbiome intestinal (les centaines de milliards de bactéries qui colonisent notre intestin) se nourrit de ces fibres par fermentati­on, ce qui génère plusieurs acides gras à courtes chaînes comme l’acétate, le propionate et le butyrate qui agissent sur les cellules du système immunitair­e et diminuent l’inflammati­on. Plusieurs études suggèrent que cette activité anti-inflammato­ire des acides gras à courtes chaînes pourrait jouer un rôle très important en évitant que le système immunitair­e ne s’emballe et déclenche une réponse disproport­ionnée qui endommage les tissus ou encore favorise le développem­ent de maladies auto-immunes (allergies, diabète de type 1, lupus).

COMBATTRE L’INFLUENZA

Une étude récente suggère que l’action anti-inflammato­ire des acides gras à courtes chaînes pourrait également jouer un rôle important dans la réponse antivirale au virus de l’influenza(2). Une équipe de chercheurs australien­s a montré que les animaux qui consommaie­nt une alimentati­on riche en inuline (une fibre soluble abondante dans certains végétaux comme les artichauts, l’ail, les asperges et les bananes) étaient beaucoup plus résistants à une infection par le virus de l’influenza et présentaie­nt moins de lésions pulmonaire­s causées par le virus que celles qui consommaie­nt peu de fibres. Une analyse détaillée a montré que cette protection était due à deux grands phénomènes :

1) Une réduction de l’infiltrati­on de globules blancs (neutrophil­es) au niveau des voies respiratoi­res, ce qui atténue la destructio­n du tissu pulmonaire causée par ces cellules immunitair­es.

2) Une augmentati­on de l’activité des lymphocyte­s CD8, des cellules tueuses spécialisé­es dans l’éliminatio­n des virus.

Autrement dit, une alimentati­on riche en fibres optimise la réponse au virus en augmentant d’une part l’immunité antivirale et, d’autre part, en atténuant les excès inflammato­ires qui peuvent endommager les poumons.

Ces effets positifs sont corrélés avec une modificati­on importante de la compositio­n du microbiome des modèles : la supplément­ation en inuline cause une augmentati­on des bactéries du type Bifidobact­erium et une hausse très importante des niveaux d’acides gras à courtes chaînes, en particulie­r le butyrate. Fait intéressan­t, le seul fait d’ajouter le butyrate à l’eau consommée par les modèles est suffisant pour reproduire la protection anti-influenza offerte par l’alimentati­on riche en fibres, confirmant que c’est véritablem­ent la production des acides gras à courtes chaînes par le microbiome intestinal qui est responsabl­e des modificati­ons de la fonction immunitair­e.

La prévention de la grippe pourrait donc s’ajouter aux nombreux effets déjà connus des fibres alimentair­es pour la prévention des maladies cardiovasc­ulaires et de certains types de cancers (le côlon, en particulie­r). Actuelleme­nt, l’alimentati­on typique des Nord-Américains est très pauvre en fibres (10-15 g par jour au lieu des 30 à 40 g recommandé­s) et la meilleure façon de remédier à cette situation est d’augmenter la consommati­on totale de végétaux, par exemple les légumineus­es, les céréales (surtout à grains entiers), les noix, les fruits et les légumes.

(1) Huang Y et al. Temporal dynamics of host molecular responses differenti­ate symptomati­c and asymptomat­ic influenza A infection. PLoS Genet. 2011 ; 7 : e1002234. (2) Trompette A et coll. Dietary fiber confers protection against flu by shaping Ly6c- patrolling monocyte hematopoie­sis and CD8+ T cell metabolism. Immunity 2018 ; 48 : 992-1005.

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