Dure attente pour de nombreux Haïtiens
Leur expulsion vers leur pays d’origine a été reportée mais ils ignorent quand ils devront quitter le Canada
Jean Gefter était à l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau le 21 novembre avec sa conjointe et ses quatre enfants âgés de 3 à 9 ans, quand le cellulaire de l’agent d’immigration a sonné. Ils ont alors appris qu’ils ne retournaient pas en Haïti tout de suite, vu les violences qui secouent leur pays d’origine.
L’expulsion a été reportée au 28 novembre, mais ils ont appris de nouveau, la veille en après-midi, qu’ils ne partaient pas.
« C’est pénible. On a peur de retourner en Haïti », dit l’homme de 48 ans.
Il a perdu son emploi comme gardien de sécurité avant d’être expulsé la première fois, et n’a aucune idée du moment où sa famille et lui s’envoleront.
En attendant, il doit se présenter chaque jour avec sa conjointe à Citoyenneté et Immigration Canada pour signer des papiers. Ils amènent leurs quatre enfants avec eux, car ils n’ont personne pour s’en occuper durant leur absence.
DANS LE NÉANT
Lesly Guillaume, 45 ans et père de trois enfants, attend lui aussi avec angoisse le moment ou le départ se fera vraiment. La famille devait partir le 18 novembre. Ils ont été avisés le 16 de ne pas se présenter à l’aéroport. Depuis, ils sont dans le néant.
« C’est comme si on était dans un couloir, et qu’on ne savait pas quand on va nous dire que c’est notre tour. C’est une peur en permanence », dit-il.
La directrice générale de la Maison d’Haïti, Marjorie Villefranche, ignore combien d’Haïtiens sont dans cette situation à Montréal, mais indique qu’on parle de gens qui sont arrivés par le chemin Roxham en 2017 et dont la demande de statut de réfugié a été refusée.
« C’est un drame dans le sens que la situation en Haïti n’en est pas une où on peut renvoyer des gens actuellement. Il y a des manifestations, on tire dans les rues, il y a du feu partout », explique-t-elle, déplorant que des enfants soient renvoyés dans des situations instables.
Elle a fait une demande de moratoire sur les expulsions, mais n’a pas eu de nouvelles.
VOLONTÉ POLITIQUE
L’avocat en droit de l’immigration Stéphane Handfield estime qu’il est temps qu’Ottawa suspende les expulsions en attendant que les choses se soient calmées pour de bon.
« Actuellement, au jour le jour, on décide si on exécute le renvoi ou non, ce qui est une situation inacceptable. On met des gens dans des situations dramatiques. Humainement parlant, ça ne se fait pas », dit l’avocat.
L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a refusé notre demande d’entrevue.
« Bien qu’aucun sursis administratif aux renvois ne soit en place pour Haïti, l’ASFC, en consultation avec Affaires mondiales Canada et d’autres ministères gouvernementaux, continue de surveiller les conditions dans ce pays et prendra les mesures appropriées, y compris fixer une nouvelle date pour les renvois prévus, au besoin », a-t-on répondu par courriel.