Le pesant héritage de Pablo Escobar
Le narcotrafiquant divise toujours 25 ans après sa mort
MEDELLÍN | (AFP) Tandis que les habitants du quartier Pablo Escobar honorent la mémoire de leur bienfaiteur, la mairie de Medellín en Colombie s’apprête à détruire l’immeuble de luxe aujourd’hui décrépit où vivait le narco-trafiquant le plus redouté du monde.
Vingt-cinq ans après la mort du baron de la cocaïne, la résidence Monaco — qui avait résisté en 1988 à un attentat à la voiture piégée du cartel de Cali, ennemi du gang d’Escobar — est vouée à disparaître.
Icône de l’opulence et du pouvoir de la mafia colombienne, ce bunker abandonné de huit étages, demeure de la famille du « capo », ne sera plus que ruines en février. Le spectacle de sa destruction sera public.
« Le Monaco est devenu un lieu d’apologie de la criminalité, du terrorisme [...] Plus que démolir un édifice, il s’agit de détruire une structure mentale », a déclaré Manuel Villa, secrétaire de la municipalité.
Chaque jour, des groupes visitent ce fortin blanc construit par le chef du cartel de Medellín dans le quartier chic d’El Poblado. Lors de ces « narco-tours », touristes étrangers et colombiens découvrent un lieu extravagant, qui va laisser la place à un parc, dédié aux milliers de victimes du narco-terrorisme des années 1980 et 90.
Le 2 décembre 1993, les médias dévoilaient Escobar, qui avait eu 44 ans la veille, gisant en sang sur un toit, des policiers exhibant son cadavre comme un trophée. Il sera enterré le lendemain. Depuis, cet anniversaire montre une société partagée entre répulsion et admiration.
Angela Zuluaga n’a pas connu son père. Elle était encore dans le ventre de sa mère lorsque, en octobre 1986, des sicaires ont attaqué la voiture de la famille. Ils ont criblé de balles le juge Gustavo Zuluaga et blessé son épouse.
« CULTURE NARCO »
Le magistrat avait lancé un mandat d’arrêt contre Escobar et son cousin Gustavo Gaviria. Résistant aux tentatives de corruption et aux menaces, il affirmait préférer « mourir que flancher ».
Pour les Zuluaga, abattre le Monaco, c’est combattre « la culture narco » et rendre la parole à ceux que la fiction montée autour du capo a bâillonnés.
« Avoir un lieu de mémoire, c’est disposer d’un espace où tenter de dédommager symboliquement les victimes du fléau du narco-terrorisme », explique Angela Zuluaga.
Entre 1983 et 1994, la guerre des narcos a causé 46 612 morts violentes.