Inévitables gilets jaunes
N’en doutez pas. Dans toutes les capitales du monde, il y a des gens qui suivent les contestations des gilets jaunes avec beaucoup d’attention. Le Québec n’y fait pas exception.
C’est que les raisins de la colère qu’on trouve en France poussent avec divers degrés d’abondance presque partout en Occident. Si le mécontentement s’exprime de façons différentes dans certains pays, comme par l’élection de gouvernements populistes, il faut admettre que nos défis se rapprochent les uns des autres.
DÉCLIN
Les tendances sont installées depuis quelques décennies déjà. Partout, la classe moyenne se sent de moins en moins moyenne pendant que les plus riches le deviennent de plus en plus. Le coût de la vie et du logement augmente et les prix des carburants, dépense incompressible pour beaucoup de gens, iront toujours vers le haut, ne serait-ce que parce qu’ils se raréfient et indépendamment de la taxation du gouvernement.
Les populations vieillissent, entraînant des charges sociales plus élevées pour les États tandis que la proportion de citoyens en âge de travailler diminue. Les années consécutives de croissance économique au-dessus de 3 % du PIB sont parties pour l’Asie avec les emplois industriels. Notre époque en estunededéclin.
À cela s’ajoutent les vagues migratoires, qui créent une pression sur l’État social et procurent des boucs émissaires tout trouvés à ceux qui en arrachent déjà. Ce n’est pas d’hier que l’on blâme celui qui a encore moins pour ce qu’ il a reçu et qu’on estime avoir perdu.
N’oublions pas le défi environnemental, qui prend de plus en plus de places dans la diplomation mondiale. Les chefs de gouvernement qui signent des ententes dans les grands forums internationaux doivent ensuite traduire leurs engagements en politiques publiques qui ont nécessairement un impact sur les gens, comme la hausse des taxes sur l’essence.
Et ce n’est qu’un début. La planète se réchauffant, la désertification progressant, les denrées alimentaires coûteront toujours plus cher. Des vagues de déplacés venus d’endroits devenus inhabitables iront grossir les rangs des migrants.
Puis la colère grandira encore. Et elle grandira encore plus quand on aura constaté que les politiciens populistes n’auront pas réussi à tenir leurs promesses invraisemblables, comme redémarrer l’industrie du charbon en Virginie occidentale, par exemple.
UN CONTRAT SOCIAL
La démocratie, la règle de droit et l’ordre public reposent sur un contrat social. On accepte tous tacitement de s’y conformer, parce que nous obtenons en échange la sécurité et la promesse de vivre dans une société qui nous permettra d’assurer notre subsistance et celle de nos proches. Quand des gens se mettent à penser que l’État ne peut plus rien pour eux, ils deviennent moins enclins à vouloir payer de l’impôt et à respecter ses lois et ses symboles.
Le Québec peut-il échapper pour toujours à cette tendance ? Certes, nous sommes un peuple de modérés. Mais si les démocraties commencent à chanceler partout autour de nous, comment ferons-nous pour protéger la nôtre, dans un monde tellement interrelié ?
Pas simple. Pour l’heure, les politiciens qui font des promesses inconsidérées feraient bien de s’assurer de les tenir. Et les élites toujours promptes à blâmer le peuple pour son ignorance alléguée feraient bien de se méfier de sa colère.