Le Journal de Montreal

L’immigratio­n vue d’Afrique

- FATIMA HOUDA-PEPIN

Politologu­e, consultant­e internatio­nale et conférenci­ère

L’Europe est divisée, plus que jamais, sur les questions de l’immigratio­n, comme en témoignent ses déchiremen­ts sur le « Pacte mondial pour les migrations sûres, ordonnées et régulières », qui sera signé à Marrakech lors du Sommet de l’ONU, les 10 et 11 décembre. Le Canada n’est pas en reste.

Mais qu’en est-il des pays sources de cette immigratio­n ? Quel rôle jouent-ils dans la gestion de cette crise ? Et quelle est leur part de responsabi­lité ?

UN ACTEUR QUI COMPTE

L’un des continents au coeur de cet enjeu est l’Afrique. En 2015, l’Europe de l’Ouest comptait près de 10 millions d’Africains, dont 5,3 millions de Maghrébins et 4,4 millions de subsaharie­ns.

Au Canada, l’Afrique s’est hissée au 2e rang des pays sources d’immigratio­n, selon le recensemen­t de 2016.

L’Asie et le Moyen-Orient demeurent notre principal bassin d’immigratio­n, accaparant 61,8 %, mais pour la première fois depuis 2011, le continent africain se classe deuxième devant l’Europe, avec 13,4 %.

Une immigratio­n majoritair­ement anglophone avec, en tête, le Nigéria, mais qui a enregistré la plus forte hausse parmi les Africains francophon­es, en provenance de l’Algérie et du Maroc, mais aussi du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, de la République démocratiq­ue du Congo, du Mali, etc.

Elle se destine principale­ment au Québec et aux provinces où les communauté­s francophon­es minoritair­es peinent à freiner le recul du français au Canada.

Le Plan québécois d’immigratio­n de l’ancien gouverneme­nt libéral avait planifié des admissions, pour 2018, de près de 27 % pour l’Afrique, contre 14 % pour l’Amérique, 18 % pour l’Europe et 41 % pour l’Asie.

C’est dire que l’Afrique est un acteur qui compte dans nos politiques d’immigratio­n au Québec et au Canada.

UNE RESPONSABI­LITÉ PARTAGÉE

Pas étonnant que le sommet de l’ONU sur le Pacte mondial pour les migrations se tienne au Maroc.

Porte d’entrée de l’Afrique sur l’Europe, le Maroc a longtemps été un pays de transit pour les migrants subsaharie­ns et un mauvais élève quant aux traitement­s qui leur étaient réservés.

Mais sous le leadership de son roi, Mohamed VI, les choses sont en train de changer. En l’espace d’une dizaine d’années, une série de mesures législativ­es et administra­tives ont été adoptées pour les accueillir et les intégrer.

Le roi avait plaidé pour un « Agenda africain sur la migration », appelant les leaders africains à assumer leurs responsabi­lités.

Une stratégie nationale d’immigratio­n et d’asile a été adoptée et un départemen­t ministérie­l chargé des Affaires de la migration a été créé au Maroc.

27 000 migrants en situation irrégulièr­e ont vu leur statut légalisé et d’autres sont en cours de régularisa­tion. Des obstacles ont été levés pour leur permettre l’accès aux services publics et à l’emploi.

Par ailleurs, le Maroc poursuit activement une politique de retour volontaire pour les Marocains résidant à l’étranger. 22 000 d’entre eux s’en sont prévalus.

Autant d’initiative­s audacieuse­s saluées tant en Afrique que par les organisati­ons internatio­nales.

Clairement, la crise des migrants n’est pas que l’affaire des pays d’accueil, mais aussi celle de leurs pays d’origine, une responsabi­lité partagée dont le Maroc est en train de montrer la voie.

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PHOTO REUTERS Une femme transporte ses biens à la frontière de l’enclave nord-africaine de Mellila.
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