UN ANGE GARDIENINTRANSIGEANT
Nelson Ossé a poussé Luguentz Dort à se surpasser autant à l’école que sur le terrain
LAS VEGAS | Si Luguentz Dort cogne à la porte de la meilleure ligue de basketball au monde, c’est notamment grâce au soutien d’un homme qui l’a guidé dès le début de son adolescence, Nelson Ossé.
La première fois que Lou s’est présenté au gymnase du centre communautaire des Loisirs du Parc, à Montréal, c’était en septembre 2011, pour participer aux essais des Knights de Parc-Extension. Ossé était abasourdi.
« Il n’avait vraiment pas l’air d’un joueur de basket avec son gros afro et ses bas de soccer. Il n’était pas coordonné, mais ça se voyait qu’il voulait apprendre, relate celui qui oeuvre dans le monde du basketball au Québec depuis près de 20 ans. Il avait réussi à faire l’équipe par un fil. Il passait le premier test de l’oeil. Il était grand et costaud pour ses 12 ans. »
Ossé avait remarqué ses qualités athlétiques et sa volonté de fer puisqu’il faisait, seul, deux heures d’autobus et métro chaque jour pour venir jouer au basket. C’était le début d’une longue relation. Dort étudiait alors à l’école secondaire Calixa-Lavallée, dans le nord de la ville. Il n’était pas le prototype d’étudiant modèle, loin de là. Le coordonnateur de l’équipe de basket, et aussi directeur du centre a donc posé un premier geste significatif.
« Il était jeune. Il n’avait pas les ressources nécessaires pour avancer et de mauvaises influences tournaient autour de lui. Je voyais sa volonté dans ses yeux. Il m’avait dit qu’il était prêt à tout pour aller loin au basket. On l’a donc changé d’école avec l’accord de sa mère », a expliqué l’homme qui l’a envoyé étudier à Édouard-Montpetit.
C’est à cet endroit qu’il a commencé à se fourrer le nez plus assidûment dans ses livres. C’est aussi à ce moment qu’ont commencé les confrontations.
Si Ossé jouait le rôle d’ange gardien, parfois il jouait aussi celui du démon ! Intransigeant sur les performances académiques, le basketball ne passait jamais devant les études. Dort l’a appris à ses dépens…
« Je savais tout et j’avais le plein contrôle. Cette première année dans le programme sport-études n’a pas été facile. Il étudiait le matin et il était sur le terrain l’après-midi. Malgré ses gros efforts, je voyais que c’était trop intense pour lui. Il n’était pas encore rendu là dans son cheminement. Il n’était pas assez mature. »
COUP DE GONG
Il l’a donc changé à nouveau d’institution en le plaçant sous la férule d’un ami, Alder Pierre, à l’école Lucien-Pagé. Omniprésent, Ossé était au fait de chacun de ses gestes.
Si son protégé avait gagné en maturité à l’âge de 14 ans, c’est aussi à ce moment qu’il a été le plus sévère à son endroit. Insatisfait de son rendement académique et de ses absences répétées aux périodes de récupération, il l’a suspendu en pleine saison.
Par ce geste radical, Ossé a cru l’échapper. Il a laissé la poussière retomber et lui a ensuite passé un coup de fil afin de lui expliquer sa sanction disciplinaire.
« Nous avons eu une bonne conversation. La question était simple, je voulais savoir ce qu’il voulait faire plus tard. Il m’avait répondu qu’il voulait jouer au basket. J’ai répliqué qu’il ne pouvait pas le faire sans étudier. Il devait comprendre qu’il fallait qu’il mette autant d’énergie en classe que sur le terrain. S’il y arrivait, il avait une chance. C’est à ce moment qu’on l’a mis sur les rails. »
Ce coup de gong a réveillé le jeune homme. Dort a fait d’énormes efforts et progressé en conservant son positivisme. De retour à nouveau sur les bancs d’école, il a réintégré l’équipe. Il avait raté la moitié de la saison alors qu’il ne restait que quelques matchs au calendrier.
« Quand on en reparle aujourd’hui, on en rit, relate Ossé en esquissant un sourire. Il m’a souvent détesté dans le temps. Ce qui l’a aidé, c’est qu’il a aimé le basket plus que tout au monde. Son amour pour ce sport a fait en sorte qu’il s’y est accroché plutôt que de traîner au parc avec ses amis. »
« Nelson a tout changé dans ma vie. Il a vu mon potentiel avant moi. Il m’a tellement aidé. Sans lui, on ne sait pas quel chemin j’aurais emprunté », confie Luguentz en le remerciant mille fois.
« Sans bonnes notes, je n’aurais jamais pu obtenir mon diplôme et rentrer à l’Université d’Arizona State. Si j’avais à changer quelque chose à mon parcours, je me concentrerais à mes études dès le départ. »
UNE CHANCE
Avec le recul, Ossé reconnaît qu’il a été dur envers lui, mais son parcours prouve qu’il avait raison. Il ne veut surtout pas recevoir toutes les fleurs devant les exploits de Lou, car il travaillait de concert avec sa mère, Erline, ses frères et soeurs et son entourage.
« Je répète souvent que je ne vends pas un rêve. Tu as une chance, à toi de la créer. Je suis fier de Lou, car il a saisi sa chance. Ça n’a pas été facile. Il n’est pas né avec un don académique et un don pour le basket. Il a des qualités athlétiques indéniables. Ce qu’il est devenu aujourd’hui, c’est lui qui l’a fait, rappelle-t-il, émotif. Il a travaillé dur. Il récolte les fruits de tous ses efforts. C’est ce qui est incroyable. »
Décidément, le jeune homme de 19 ans qu’il observe chez les Sun Devils est complètement différent de celui qui s’est présenté à sa porte il y a sept ans.