Le Journal de Montreal

Du rififi dans le désert avec des boxeurs

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BIRDSVILLE, Australie | (AFP) Devant le ring inondé de lumière, Fred Brophy frappe sur un tambour pour réclamer l’attention de la foule, gagnée soudain par le silence dans l’attente d’autres coups, ceux du combat de boxe pour lequel elle est venue.

Avec son chapeau de cowboy et sa chemise rouge vif, le visage tanné par le soleil, ce grand gaillard de 67 ans porte beau en Monsieur Loyal.

Brophy dirige une troupe de boxe, la dernière en Australie et l’une des rares à subsister dans le monde. Ils voyagent d’une ville à l’autre dans l’Outback australien, où il y a toujours quelqu’un prêt à venir se battre sur le ring pour affronter les boxeurs.

« Je fais ça depuis l’âge de cinq ans, je suis né dedans », explique Brophy avec son lourd accent australien, lors de son passage à Birdsville, une ville de l’intérieur de ce vaste pays-continent situé à quelque 1500 km à l’ouest de Brisbane.

Avoir sa propre troupe, c’est une tradition familiale, dit-il. « Mon père en avait une. Mon grand-père en avait une. Mon arrière-grandpère en avait une. Donc moi, j’en ai une. »

LES HÉROS DU COIN

Dans les années 1930 et 1950, ces tentes de boxe étaient coutumière­s dans les foires et les exposition­s agricoles des principale­s villes, raconte l’auteur australien spécialisé Grantlee Kieza.

Cela permettait aux boxeurs débutants, en particulie­r ceux venus de familles pauvres, d’apprendre à ajuster leurs coups devant une foule tapageuse, d’empocher un peu d’argent et de devenir les héros du coin.

Ces troupes ont servi de pépinières pour des boxeurs aborigènes célèbres comme Jack Hassen, George Bracken et Tony Mundine. L’une des plus connues était celle de Jimmy Sharman. Mais, depuis, le public a déserté et d’autres loisirs attirent les spectateur­s.

« Cette sorte de sport masculin à la dure a commencé à perdre en popularité », explique Grantlee Kieza. Des exigences en matière de santé et de sécurité ont conduit la plupart des États et territoire­s à interdire ce type de spectacles, hormis dans le Queensland et le Territoire du Nord.

Fred Brophy, lui, a refusé de jeter l’éponge. Son statut d’espèce en voie de disparitio­n lui vaut même d’attirer beaucoup d’amateurs et d’aspirants bagarreurs quand il arrive, tambour à la main.

« C’est une sorte de transfert de l’époque du Far West, n’est-ce pas, l’idée d’une tente sous laquelle on boxe... Cela convient bien à l’image Western du Queensland rural », dit Grantlee Kieza.

« C’est australien à 100 %. C’est ce qu’aiment les Australien­s. C’est notre façon de nous amuser », assure-t-il.

PAS DE POLITIQUEM­ENT CORRECT

Sous sa tente, le politiquem­ent correct n’a pas sa place. Un boxeur asiatique est surnommé « Baguettes ». Les hautparleu­rs crachent à plein volume des classiques populaires comme Down Under du groupe australien Men at Work évoquant un pays où les « femmes rayonnent et les hommes pillent ».

Les spectateur­s, chapeaux de cowboy sur la tête, se serrent sur de longs bancs alignés autour du ring. Une politicien­ne anti-immigratio­n, Pauline Hanson, devenue une habituée de Birdsville, est invitée à brandir les pancartes sur le ring sous les acclamatio­ns du public.

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PHOTO AFP Sous un chapiteau, Fred Brophy (chemise rouge) organise des combats de boxe amateur devant des centaines de spectateur­s, dans le désert australien.

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