Cachez ces fesses que je ne saurais voir !
Le scandale est français, mais pourrait bien être québécois. Sur la devanture des Galeries Lafayette, un chic centre commercial parisien, on trouvait une publicité de la marque de sous-vêtements féminins Aubade.
Ce qui veut dire que cette publicité ne montrait ni une tondeuse à gazon, ni une casserole de luxe, ni une tasse de thé, ni un tournevis, mais une paire de fesses – fort jolies, au demeurant.
La chose a fait bondir certaines féministes qui ont voulu y voir de toutes leurs forces une manifestation de sexisme justifiant une crise d’indignation.
La mairie de Paris elle-même a exprimé son mécontentement au nom de la lutte contre les discriminations et de l’égalité hommesfemmes. Conséquence de cela : l’affiche a été retirée et remplacée par une publicité de parfum.
On a là un condensé de notre époque. On y trouve d’abord la passion de la censure. Dès qu’une chose déplaît à un lobby qui peut se présenter comme la victime du grand méchant homme blanc occidental hétérosexuel, on en appelle à l’interdire ou la chasser du domaine public. Il faut transformer la société en un vaste safespace où aucune minorité identitaire ne sera offensée. Pour cela, on aseptisera l’espace public intégralement.
Inversement, les mêmes féministes ont l’habitude de se montrer bien discrètes lorsqu’on banalise le voile islamique, qui est pourtant un symbolique politique et culturel explicite de soumission féminine et de ségrégation sexuelle.
Plus encore : les néoféministes sont même capables de détourner le regard devant des agressions sexuelles qui ne sont pas commises par des mâles blancs. Qu’on se souvienne des agressions sexuelles de Cologne le 1er janvier 2016.
Mais allons au coeur de la controverse. Ce qu’on veut étouffer publiquement, c’est le désir des sexes l’un pour l’autre. Toute mise en valeur du corps féminin est désormais suspecte. Elle relèverait de l’exploitation
On criminalise le désir masculin.
pornographique stéréotypée. Un peu plus et on y mêlera la « culture du viol ». Comment ne pas voir là une nouvelle forme de puritanisme qui pousse les sexes à se méfier l’un de l’autre ? Cette culture expurgée diabolisant le corps aurait fait la joie de nos curés.
Au fond de tout cela, c’est le désir masculin qui est toujours visé. On veut censurer tout ce qui peut le titiller ou l’exciter, comme s’il était fondamentalement prédateur et agressif, belliqueux et dangereux.
On peine à accepter que les sexes soient faits pour se plaire, même s’ils ne se plaisent pas nécessairement de la même manière. Comme si le désir était coupable, comme s’il fallait l’étouffer, comme s’il fallait désérotiser intégralement la culture.
TARTUFFE
Il faut dire que dans une société qui assimile un regard insistant ou une blague grivoise à l’agression ou à la culture du viol, les sexes vont préférer se séparer que se flirter. La libération sexuelle des cinquante dernières années réinvente la censure des corps et les néoféministes les plus radicales prennent la place des curés de jadis. Tartuffe est de retour ! Cachez ces fesses que je ne saurais voir !