L’année Legault
Il n’est pas difficile de couronner un vainqueur politique en année électorale. Mais au-delà de sa victoire, François Legault a rallié une majorité de Québécois sur les enjeux prioritaires des prochaines années et devra ne pas décevoir les espoirs mis en lui.
En entrevue avec notre Bureau parlementaire la semaine dernière, le premier ministre a affirmé que les Québécois lui disent spontanément avoir l’impression qu’il est comme eux, qu’il leur ressemble.
Possible qu’il le souligne pour des raisons de marketing, mais c’est probablement vrai, tant son style contraste avec son prédécesseur libéral Philippe Couillard.
La déconnexion du PLQ avec l’électorat francophone s’explique notamment par le manque de sensibilité de l’exchef libéral à l’égard de la langue, de la laïcité de l’État.
Ce manque s’est exprimé à travers des gaffes qui ont marqué les esprits. Que ce soit en prononçant un discours uniquement en anglais alors qu’il représentait les Québécois lors d’une mission en Islande, ou en accusant le chef caquiste de « souffler sur les braises de l’intolérance » parce qu’il osait remettre en question les seuils d’immigration.
La dernière en lice, lorsqu’il a jugé réaliste pour un parent avec deux adolescents de faire une épicerie à 75 $ par semaine, constituait l’ultime brique sur le mur.
DES CHOIX STRATÉGIQUES
Pendant ce temps, en dépit d’une lacune évidente en environnement, les thèmes de la CAQ, l’oxygène pour les familles et les aînés qui peinent à joindre les deux bouts, l’éducation, l’économie ont rejoint les préoccupations collectives.
Surtout, le chef Legault et ses conseillers ont su corriger le tir à des moments opportuns. Particulièrement lors du dernier débat des chefs, en campagne électorale, lorsqu’il a reconnu avoir erré en cafouillant dans ses explications sur l’éventuel processus d’expulsion d’immigrants qui échoueraient aux futurs tests des valeurs et de français.
Alors que ses appuis avaient chuté dans les sondages, il a transformé la perception. Plutôt que paraître incompétent, il montrait alors un visage humain, comme tout le monde, quoi.
Bien que, sur le fond, sa position n’a pas changé en matière d’immigration, le fait qu’il n’ait pas cherché à nier s’être trompé dans la forme est devenu un tremplin.
Le ton d’humilité dans les discours suivant le triomphe du 1er octobre marquait une continuité à cet égard.
LE TEST
Mais même de nos jours, le succès politique ne peut reposer que sur l’image.
On constate des changements entre ce que disaient les caquistes dans l’opposition et ce qu’ils disent au pouvoir, notamment concernant le bordel informatique et les trop-perçus d’Hydro-Québec. On apprend aussi ce matin l’effet pervers de la baisse de la taxe scolaire, qui profitera davantage aux riches. Si 2018 est l’année Legault, 2019 sera celle du test de la crédibilité, qui pourrait être déterminant pour la longévité de son gouvernement.
Bien qu’elle dispose de quatre ans, l’équipe caquiste devra commencer à livrer des résultats. Sans quoi, des manchettes sur des histoires d’horreur dans des CHSLD, les temps d’attente dans les hôpitaux ou les professeurs en burnout pourraient convaincre les Québécois que malgré les belles promesses, c’est du pareil au même…