UNE INFIRMIÈRE POUR 169 PATIENTS EN CHSLD
Une seule employée est responsable de 169 patients dans un centre d’hébergement montréalais
Chutes, errance, urgences médicales : les employés qui travaillent de nuit dans les CHSLD ont une charge de travail tellement élevée que la sécurité des résidents est compromise, dénoncent plusieurs.
« Une infirmière pour 169 [patients], c’est écrit partout que ça n’a pas d’allure », réagit Nancy Bédard, présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ), un syndicat d’infirmières.
« On va frapper notre mur. […] Vous attendez quoi ? C’est extrêmement dangereux », ajoute-t-elle.
Voilà plusieurs années que la question des ratios en CHSLD suscite des débats au Québec. Or, le ministère de la Santé et des Services sociaux n’impose toujours pas de quota maximal de patients par employé.
LA SÉCURITÉ
« On pousse à l’extrême limite la sécurité du monde, croit aussi Jeff Begley, président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSSCSN). C’est scandaleux ! »
Grâce à la loi d’accès à l’information, Le Journal a compilé les ratios dans les centres d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD).
Quelques centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) n’ont pas répondu, mais la compilation dresse un portrait représentatif et inquiétant : les infirmières de nuit ont souvent plus de 100 résidents à leur charge.
Plusieurs CHSLD se fient à la recommandation du professeur Philippe Voyer, qui prévoit qu’une infirmière devrait s’occuper d’un maximum de 96 usagers la nuit. Or, ce guide n’est pas respecté dans 60 % des CHSLD (45 sur 75) qui comptent plus de 96 résidents, selon nos données.
Par exemple, le centre d’hébergement Champlain, dans l’arrondissement de Verdun, à Montréal, n’embauche qu’une seule infirmière de nuit pour 169 résidents (voir tableau
en page 6). Même si elle est accompagnée de plusieurs préposés aux bénéficiaires et d’infirmières auxiliaires, elle est la seule à pouvoir évaluer l’état des patients.
À cet égard, la direction du CHSLD répond qu’elle peut être soutenue au besoin par des collègues qui gèrent d’autres clientèles, ailleurs dans la bâtisse.
NUITS MOUVEMENTÉES
« Quand une déborde, elles s’entraident », dit Ginette Senez, directrice du programme de soutien à l’autonomie des personnes âgées au CISSS du Centre-Sud de l’Île-de-Montréal.
« Jamais on n’a mis de clientèle en danger, pas du tout. »
Un autre exemple est celui du CHSLD de Métabetchouan-Lac-à-la-Croix, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, où une infirmière de nuit s’occupe de 115 patients. Celle de Beauceville est seule pour 108 personnes souvent âgées.
Contrairement à ce que plusieurs pensent, les nuits sont mouvementées dans les CHSLD, ont confié des employés au Journal (voir les témoignages ci-contre).
« Ça sonne, ça sonne, confie anonymement une infirmière qui a 150 patients à sa charge la nuit. C’est vraiment un danger, on fait tout notre possible. »
Du côté des préposés aux bénéficiaires, les ratios sont moins élevés. Depuis deux ans, environ 900 préposés de plus ont été embauchés, selon le ministère. Malgré cela, la situation n’est pas réglée, déplore la FSSS.
« On est toujours en déficit de préposés, constate M. Begley. Quand il n’y a pas assez de monde, on lève des gens à 5 h du matin pour déjeuner. On n’a pas le choix, sinon ils ne mangeront pas. »