Ti-Guy et les drôles de mononcles
En 2001, pour les fins d’un documentaire réalisé par Marie-Josée Lévesque pour Télé-Québec, j’ai passé plusieurs jours en compagnie de Ti-Guy Émond, le célèbre journaliste sportif qui est décédé hier matin à 77 ans.
Je n’ai jamais rencontré un personnage comme ça.
Ce n’était pas un homme, c’était un manège ! Un vieux manège en bois du parc Belmont, avec les sièges élimés et les roues qui grincent…
Tu ne sortais pas avec Ti-Guy : tu faisais un tour de Ti-Guy !
T’attachais ta ceinture, tu faisais un signe de croix, puis tu partais !
LE GÉANT BEAUPRÉ
Comme a dit Jean-François Guérin à LCN hier : « Des hommes comme ça, il n’y en a plus. Ils ont cassé le moule… » C’est un cliché, mais c’est vrai. Ti-Guy (comme Claude Poirier) faisait partie d’une génération d’hommes qui est en train de disparaître. On devrait préserver son corps dans le formol, comme le géant Beaupré, pour le montrer à nos enfants et nos petits-enfants.
« Regarde, les hommes, à l’époque, étaient comme ça. Ils ne s’économisaient pas. Ils brûlaient la chandelle par les deux bouts.
Ils buvaient trop, ils mangeaient trop, ils aimaient trop, ils flambaient leur fric aux courses, ils connaissaient le nom de tous les serveurs de toutes les tavernes, ils sentaient le gin, les Peter Jackson et l’Aqua Velva, et ils étaient prêts à couper leur bras droit pour leurs chums… » Je vais vous faire un aveu… Je voue un culte au Rat Pack : Dean Martin, Sammy Davis et Sinatra. Maudit que ces gars-là ont eu du fun !
Du gros fun sale, sans remords, sans culpabilité, sans soldats de la bien-pensance qui militent contre la masculinité toxique et qui appellent la police des moeurs dès qu’un homme fait un clin d’oeil à une femme…
Eh bien, passer du temps avec TiGuy est le plus près que je me suis approché de cette bande-là.
On est allé à Blue Bonnets, on l’a filmé en train de chanter du Elvis, on a arrangé une rencontre surprise avec Eddie Melo, un jeune boxeur qu’il avait pris sous son bras et qui est décédé quelques semaines après notre enregistrement, abattu à bout portant par la mafia dans un stationnement de Mississauga.
TI-CUL
À l’époque, un gars qui buvait n’était pas un alcoolique, mais un soûlon.
Et un homme qui misait sur les courses de chevaux n’était pas un joueur compulsif, mais un gambler.
C’était avant que les docteurs ne se mettent à transformer nos moindres travers en maladie.
C’est peut-être sexiste, mais j’ai toujours pensé que ce qui distingue les hommes des femmes est que chez les hommes, le p’tit garçon qu’ils étaient n’est jamais très loin, alors que lorsque je regarde une femme, je n’arrive jamais à l’imaginer fillette.
Les femmes sont comme coupées de leur enfance.
Ti-Guy, à l’époque, avait 63 ans, mais c’est comme s’il en avait 13.
Tu regardais ses beaux yeux bleus, et tu voyais un p’tit cul jouer aux billes dans une ruelle.
Aujourd’hui, des gars comme TiGuy, on appelle ça des « mononcles ».
Mais je préfère mille fois des « mononcles » comme ça plutôt que des petits curés donneurs de leçons.