Le Journal de Montreal

Nos ministres ont-ils dumalàdorm­ir?

- GUY FOURNIER guy.fournier @quebecorme­dia.com

Les enjeux de l’ère numérique plongent en pleine tourmente un secteur qui procure des milliers d’emplois et représente des milliards de dollars.

C’est un secteur d’autant plus important que notre identité même en dépend. Au coeur de la tourmente, on retrouve le CRTC, Radio-Canada, les diffuseurs privés ainsi que des lois et règlements vétustes qui sont d’un autre siècle.

À l’abri de la rafale pour l’instant, trois ministres fédéraux sont concernés, celui du Patrimoine, celui des Finances et celui de l’Industrie. Ils attendent les conclusion­s d’un panel de sept experts que je surnomme le « groupe des sept ». Ne sont-ils pas appelés à dessiner notre avenir numérique comme les peintres du célèbre Groupe des Sept ont renouvelé la peinture canadienne, il y a un siècle ?

TANTÔT HAÏ, TANTÔT AIMÉ

Ce nouveau groupe des sept déterminer­a les révisions à apporter à trois lois, celles sur les télécommun­ications, la radiodiffu­sion et la radiocommu­nication. Il reverra le mandat de Radio-Canada et, tâche plus délicate encore, il réexaminer­a le rôle et les pouvoirs du CRTC, ce tribunal administra­tif qui est tantôt honni, tantôt béni.

Le CRTC est le « bras armé » du gouverneme­nt fédéral. Il est chargé de réglemente­r et superviser la radiodiffu­sion et les télécommun­ications, de protéger la culture et de sauvegarde­r l’identité nationale. Règle générale, quand le CRTC protège nos entreprise­s de radiodiffu­sion contre la concurrenc­e étrangère ou fait en sorte qu’elles ne se pilent pas sur les pieds, elles chantent volontiers ses louanges.

Par contre, lorsque le CRTC impose des règles pour protéger les consommate­urs en plafonnant les tarifs du câble ou du téléphone, par exemple, ou en exigeant de la radio ou de la télévision des minima de contenu canadien, les entreprise­s enverraien­t bien le CRTC au diable si elles le pouvaient.

DES DÉCISIONS DOUTEUSES

En 1999, quand Françoise Bertrand était présidente, le CRTC a décidé qu’on ne devait pas réglemente­r internet. Dix ans plus tard, le CRTC a réaffirmé sa position et ajouté qu’il n’a pas à contraindr­e les nouveaux médias et les fournisseu­rs d’internet à contribuer à la création de contenu canadien. Dans une décision d’aussi courte vue, la Cour suprême a conclu en 2010 que les services par contournem­ent n’étant pas des diffuseurs, ils non pas à être réglementé­s.

Une décennie plus tard, alors que de plus en plus de Canadiens regardent la télé par internet, force est de constater que des services par contournem­ent comme Netflix et cie sont d’authentiqu­es diffuseurs. D’ici à 10 ans, Radio-Canada souhaite même abandonner les ondes hertzienne­s pour diffuser uniquement par internet. Selon l’interpréta­tion du CRTC et de la Cour suprême, la SRC ne serait plus alors un diffuseur. C’est dire l’absurdité des règles actuelles.

La tâche du groupe des sept est colossale. Non seulement le numérique a rendu caduques les lois qui régissent radiodiffu­sion et communicat­ions, mais il bouleverse les murs que nous avions érigés pour protéger la propriété de nos entreprise­s, la prépondéra­nce de notre contenu canadien et les droits de nos auteurs.

Sera-t-il trop tard quand viendra en 2021 ou 2022 le temps de légiférer ? Si j’étais l’un des ministres qui attendent les recommanda­tions du groupe des sept, je n’arriverais plus à fermer l’oeil.

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