Le Journal de Montreal

Legault veut favoriser la religion catholique, selon Barrette

Les propos de la ministre Charest sur le hijab enflamment l’Assemblée nationale

- GENEVIÈVE LAJOIE

« LE HIJAB, JE VOUS AI DIT QUE ÇA NE CORRESPOND­AIT PAS À MES VALEURS. J’ASSUME PLEINEMENT CE QUE J’AI DIT HIER [MARDI] » – Isabelle Charest, ministre

QUÉBEC | Le gouverneme­nt Legault veut favoriser la religion catholique au détriment des autres confession­s, selon le député libéral Gaétan Barrette.

Il en prend comme preuve les déclaratio­ns controvers­ées de la ministre Isabelle Charest sur le voile islamique.

Fraîchemen­t nommée ministre de la Condition féminine, l’ex-patineuse de vitesse juge que le hijab est un symbole qui incarne l’oppression chez les femmes.

« Par rapport à mes valeurs religieuse­s, le hijab est quelque chose que nous ne devrions pas porter », a précisé mardi Mme Charest.

Des propos qui inquiètent l’opposition officielle. « Elle parle au nom de son gouverneme­nt et elle vient de dire à la population québécoise que sa religion est prépondéra­nte. Ça, c’est un problème de société, c’est un gouverneme­nt de laïcité et on a une ministre qui prend une position en favorisant sa religion, a déploré hier le député Barrette. Ce gouverneme­nt-là est pour la prépondéra­nce de la religion catholique au Québec contre toutes les autres ! »

PROPOS « MALADROITS »

Le solidaire Gabriel Nadeau-Dubois déplore pour sa part les propos « maladroits » de la ministre Charest, qui aurait plutôt dû chercher à « rassembler ».

Le hijab peut être un symbole d’oppression lorsqu’une femme est forcée de le porter, mais certaines choisissen­t volontaire­ment de l’arborer, a-t-il insisté.

Pour Québec solidaire, le débat sur la laïcité se fait en grande partie sur le dos des femmes voilées.

« C’est en fait beaucoup des femmes musulmanes dont on parle, je pense qu’il faudrait être pas mal déconnecté pour pas tout simplement le reconnaîtr­e », a dit le député de Gouin.

CHAREST PERSISTE ET SIGNE

Hier, Isabelle Charest a tenu à préciser sa pensée. La ministre persiste et signe. Plus encore, elle estime que tous les symboles imposés par les différente­s religions constituen­t un « signe d’oppression », pas seulement le foulard porté par les femmes de confession musulmane.

« Le hijab, je vous ai dit que ça ne correspond­ait pas à mes valeurs. Mes valeurs sont qu’une femme devrait être libre de porter ce qu’elle veut ou ce qu’elle ne veut pas porter. J’assume pleinement ce que j’ai dit hier, a-t-elle insisté. Pour les femmes qui [...] se le font dicter par la religion, pour moi, c’est un signe d’oppression. Maintenant, je sais qu’il y a des femmes qui choisissen­t de le porter. C’est leur choix, et je le respecte. »

François Legault n’a pas réprimandé sa ministre, mais a précisé que ses opinions ne reflètent pas la position du gouverneme­nt.

« Je ne commencera­i pas à empêcher mes ministres d’exprimer des opinions personnell­es », a-t-il dit.

Dans les rangs caquistes, plusieurs se sont d’ailleurs dissociés des propos d’Isabelle Charest. Ce fut le cas notamment de la ministre du Tourisme, Caroline Proulx.

« Personnell­ement, je n’ai pas à dicter ni aux femmes ni aux hommes comment s’habiller dans l’espace public », a-t-elle dit aux journalist­es.

La ministre responsabl­e de la Métropole, Chantal Rouleau, a tenu à souligner que le hijab, « c’est le choix de certaines femmes ».

DÉCLARATIO­NS MAL REÇUES À OTTAWA

Les déclaratio­ns de la nouvelle ministre de la Condition féminine ont eu des échos jusqu’à Ottawa.

Des députés libéraux fédéraux n’ont pas hésité à exprimer leur malaise.

« Je vais toujours me tenir aux côtés de ces femmes qui portent le hijab [et] elles ne devraient pas se retrouver dans une situation dans laquelle elles ont besoin de s’expliquer », a dit en mêlée de presse, hier, la seule élue libérale portant ce signe religieux, Salma Zahid.

La députée ontarienne de confession musulmane a toutefois précisé qu’elle avait pour sa part commencé à porter le hijab parce qu’elle combat un cancer.

La ministre fédérale de la Condition féminine, Maryam Monsef, a réagi de façon plus modérée. « La diversité de notre pays est une source de force et nous, en tant que politicien­s, nous devons nous concentrer sur l’unité de tous », a-t-elle soutenu.

 ?? PHOTO SIMON CLARK ?? La ministre de la Condition féminine, Isabelle Charest, photograph­iée hier matin à l’Assemblée nationale.
PHOTO SIMON CLARK La ministre de la Condition féminine, Isabelle Charest, photograph­iée hier matin à l’Assemblée nationale.

Newspapers in French

Newspapers from Canada