Bombardier applaudit une décision de l’UE
Paris et Berlin espéraient créer un géant du rail pour tenir tête à la Chine avec la fusion de Siemens et Alstom
PARIS | (AFP) Bombardier s’est dit « heureux » hier du rejet par la Commission européenne de la fusion des concurrents Siemens et Alstom, alors que la France et l’Allemagne réagissent mal à la décision de Bruxelles.
« La Commission indique clairement que la fusion proposée ne respecte pas les exigences de la loi sur la concurrence de l’Union européenne », a déclaré dans un communiqué Daniel Desjardins, vice-président principal du groupe, ajoutant que cette fusion dans le rail aurait laissé « les consommateurs européens en payer le prix, à la fois comme utilisateurs du rail et comme contribuables ».
L’UE a officiellement mis son veto hier à l’union de l’allemand Siemens et du français Alstom, malgré les pressions de l’Allemagne et de la France qui espéraient créer un champion européen du rail face à la concurrence chinoise, en l’occurrence le numéro un mondial, CRRC.
La commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, a estimé que les deux entreprises « n’étaient pas disposées à remédier aux importants problèmes de concurrence » soulevés par le gendarme européen.
« ERREUR ÉCONOMIQUE »
Autrefois encensée par le président Emmanuel Macron pour son intransigeance vis-à-vis des GAFA, Margrethe Vestager n’a visiblement pas hésité une seconde à se mettre à dos les deux plus gros pays de l’Union, au nom de la protection des consommateurs.
« Bien entendu, l’intérêt [pour la fusion, NDLR] a été très élevé en France et en Allemagne, mais il y a 26 autres États membres qui ont un intérêt sur le marché » du ferroviaire, a expliqué la commissaire danoise.
« Et il est important de ne pas seulement écouter ceux qui sont très bavards dans les médias », a-t-elle ajouté, faisant référence au ministre français des Finances Bruno Le Maire, qui s’était hier emporté contre sa décision.
« Je crois que les jeux sont faits », avait affirmé le ministre sur la chaîne de télévision France 2, parlant d’une « erreur économique » qui « va servir les intérêts » de la Chine.
La secrétaire d’État française à l’Économie, Agnès Pannier-Runacher, a de son côté qualifié le veto de Bruxelles de « complètement à côté de la plaque » et jugé nécessaire de faire évoluer les règles concurrentielles en Europe.
REPENSER LES RÈGLES
Même son de cloche de l’autre côté du Rhin.
« Nous sommes convaincus que nous devons repenser et modifier les règles européennes de la concurrence », a déclaré le ministre allemand de l’Économie Peter Altmaier en annonçant « la préparation d’une initiative germano-française », sans en préciser les contours.
Le patron de Siemens, Joe Kaeser, a dénoncé pour sa part une Europe qui ne serait pas à la hauteur.
« Protéger les intérêts des clients localement ne signifie pas se priver d’être sur un pied d’égalité avec des pays leaders comme la Chine et les États-Unis », a-t-il dit dans un communiqué.
Le PDG d’Alstom Henri-Poupart Lafarge a déploré quant à lui que ceux qui ont applaudi à la décision de la Commission sont « soit les partisans d’un éclatement de l’Union européenne [...] soit les acteurs étrangers, comme Bombardier ».
« Je ne suis pas forcément étonné que Bombardier, qui a lutté contre cette fusion, en tire une certaine satisfaction », a-t-il ajouté devant des journalistes.
Les activités ferroviaires de Bombardier – basées à Berlin –, de Siemens et d’Alstom pèsent chacune environ 8 milliards d’euros (12 milliards de dollars canadiens) de chiffres d’affaires, et le groupe canadien aurait été le grand perdant du rapprochement entre Alstom et Siemens, selon des analystes.