Le Journal de Montreal

L’ÉTERNEL ADOLESCENT QUI SEMAIT LA JOIE

Guy Émond, autrefois dynamo du Journal, n’est plus

- MARC DEFOY Le Journal de Montréal

Le « Cerf-volant » s’est envolé pour l’éternité. Guy Émond n’est plus. Mais, même dans la mort, il continue à faire sourire les gens qui l’ont connu. Personne n’est triste. « Ti-Guy » l’aurait voulu ainsi.

Quand il entrait quelque part, on savait que l’on en aurait pour des heures de plaisir. Il apportait le soleil. Il personnifi­ait la joie de vivre.

UNE SEULE VITESSE

Oui, « Ti-Guy » était tout un numéro ! Il faisait tout avec excès, mais c’est ce qui le rendait populaire.

« Il n’avait qu’une vitesse ! » lance Serge Savard, qui l’a connu à sa première année dans l’organisati­on du Canadien.

C’était en 1961. Âgé de 15 ans, Savard débarquait à Montréal, en provenance de l’Abitibi. « TiGuy » couvrait les activités du hockey junior B, niveau dans lequel le grand Serge évoluait après avoir été retranché du camp d’entraîneme­nt du Canadien junior.

Les deux hommes ont cheminé longtemps ensemble. Lorsque Savard a fait le saut avec le Canadien dans les dernières années de la décennie 1960, Guy était devenu l’un des journalist­es les plus lus en ville, toutes sections confondues.

Les gens raffolaien­t de ses potins qui se rapportaie­nt principale­ment au hockey, à la boxe et aux courses de chevaux. Il partageait cette passion avec Savard, Claude Ruel et Guy Lapointe, notamment, chez le Tricolore.

PÉRIPLES MÉMORABLES

Le quatuor se rendait souvent à l’hippodrome de Saratoga, dans l’État de New York. C’étaient de folles aventures la plupart du temps.

« Fallait pas que je me fie à Guy pour payer le plein d’essence sur le chemin du retour », raconte Savard en pouffant de rire.

« Jacques Beauchamp et lui étaient peut-être les pires parieurs de l’époque. »

Les deux ont engraissé les coffres de Blue Bonnets. Un soir qu’il était invité à l’émission Appelez-moi Lise, Jacques Beauchamp s’était fait demander par Lise Payette si la rumeur selon laquelle il aurait perdu quelque chose comme un million de dollars en paris était véridique.

Le populaire journalist­e, qui avait été suivi par quelque 30 000 lecteurs lors de son transfert du Montréal-Matin au Journal de Montréal, avait répondu que c’était proche de la vérité. L’homme était fait tout d’une pièce. Il était entier et avait un amour fou du métier.

RÊVE DE JEUNESSE

« Ti-Guy » était tiré du même moule. Très jeune, il côtoyait les vedettes sportives québécoise­s des années 1940 et 1950 qui fréquentai­ent le restaurant de son père, décédé trop jeune dans un accident de voiture, quelque part dans l’est de Montréal.

Il a réalisé son rêve qui consistait à suivre les traces de son idole, M. Beauchamp lui-même, qui a contribué à mettre au monde Le Journal de

Montréal. Il était proche des athlètes. Il ne jurait que par Serge Savard, Roberto Duran et Eddie Melo.

« Dans le temps, c’était plus facile pour les journalist­es de parler aux joueurs », souligne Savard.

« Quand on leur racontait des histoires off record, ils respectaie­nt ça. »

Les journalist­es vivaient avec les équipes. Ils voyageaien­t avec elles. Un climat de confiance et de respect existait.

« Ils n’étaient que quatre ou cinq reporters oeuvrant pour des quotidiens qui nous suivaient tous les jours », indique Savard.

« La radio et la télévision n’envoyaient personne aux entraîneme­nts. »

L’HOMME EN BLEU

Comme tous ceux qui ont croisé Guy Émond sur leur route, j’ai un tas de souvenirs de lui. J’étais messager au Dimanche-Matin quand je l’ai vu pour la première fois, en 1972. Je n’avais pas encore 18 ans.

Il faisait son apparition dans la salle de rédaction le vendredi, vers 15 h, pour écrire ses deux pages de potins qui étaient publiées le dimanche. Je ne sais pas s’il arrivait directemen­t d’un cabaret où il avait passé la soirée de la veille ou si c’était en préparatio­n pour celle qui allait suivre, mais la plupart du temps, il portait une tenue de soirée bleu poudre avec une chemise à froufrous. Ça terminait la semaine en beauté. Plus tard cette année-là, alors que

j’étais un jeune journalist­e tout vert à l’hebdo Sport-Illustré, il était arrivé sur une gosse dans une mêlée de presse avec Bernard Geoffrion, vêtu du même habit. Le « Boomer » dirigeait les tout nouveaux Flames d’Atlanta, qui en étaient à leur première visite au Forum.

En l’apercevant, il avait interrompu ses commentair­es d’après-match pour dire à « Ti-Guy » : « Tabarnak ! Ti-Guy, arrives-tu des noces ? »

L’histoire avait été rapportée, telle quelle, par Pierre Foglia dans La

Presse du lendemain. C’était osé dans le temps.

Il était tellement surexcité durant un événement sportif que lors de la fameuse remontée du Canadien à Boston, dans les séries de 1971, il avait failli dégringole­r de la galerie de presse au Garden. Gus Lacombe l’avait attrapé juste à temps.

TOURNÉES DE BALLE-MOLLE

Comme Jacques Beauchamp, les lecteurs de Guy Émond l’ont suivi au Journal de Montréal. L’été, il faisait des tournées de balle-molle avec une équipe représenta­nt Le Journal un peu partout en province. Mes anciens confrères Serge Vleminckx et Gilles Vachet étaient au nombre des joueurs. L’épouse de « Ti-Guy », Danielle, lavait les uniformes.

Aux funéraille­s de Joe Guy, homme à tout faire de l’équipe dans ses tournées, Guy avait dit : « Y’é pas mort, y’é safe .»

André Rousseau, qui lui avait succédé dans le rôle d’échotier au Journal, raconte l’anecdote en riant. Il parle aussi vite que le faisait l’ami Guy quand il parle de lui. Il y a tellement d’histoires à raconter au sujet de Guy qu’on ne peut plus s’arrêter de parler.

« Ti-Guy » aura été un éternel adolescent dans un corps d’homme. Malade depuis plusieurs années, il se savait en fin de vie.

« Quand je l’ai appelé samedi dernier, il m’a dit qu’on allait venir bientôt le chercher pour un gros party », relate Rodger Brulotte. « C’est fini, j’ai fait mon temps. » La rumeur veut qu’il soit déjà booké pour faire les premières parties des spectacles d’Elvis et de Johnny Farago.

La fête bat son plein là où il se trouve.

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 ?? PHOTOS D’ARCHIVES ?? 1. Guy Émond était un passionné de sport et un gars du peuple. 2. Très bon joueur de balle rapide, il a travaillé pendant plusieurs années au Journal de Montréal avec son mentor, Jacques Beauchamp. 3. « Ti-Guy » était également chanteur à ses heures.
PHOTOS D’ARCHIVES 1. Guy Émond était un passionné de sport et un gars du peuple. 2. Très bon joueur de balle rapide, il a travaillé pendant plusieurs années au Journal de Montréal avec son mentor, Jacques Beauchamp. 3. « Ti-Guy » était également chanteur à ses heures.
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