18 000 rêves brisés
Le Journal a reçu plus d’une centaine de courriels de partout dans le monde
Luc Lapointe attendait qu’un travailleur français vienne prêter main-forte dans sa forge. Mais son dossier a été éliminé par le gouvernement, comme ceux de milliers de personnes qui voient leur rêve de travailler au Québec s’éloigner.
« Injuste », « décevant », « inacceptable ». La décision du gouvernement Legault d’annuler 18 000 dossiers d’immigration non traités comme le prévoit un projet de loi déçoit tant des entrepreneurs québécois que des immigrants en attente d’une réponse.
Le Journal a reçu plus d’une centaine de courriels de gens de partout sur la planète, furieux et déçus, qui attendaient une réponse, parfois depuis des années (voir en pages 6 et 7).
Plusieurs disent que leur rêve est « brisé ». Des Québécois ont aussi dénoncé la situation.
« Ça se dit un gouvernement d’entrepreneurs, mais ils viennent directement nous pénaliser. C’est clair que plusieurs entreprises voulaient engager des gens parmi les 18 000. De mon côté, je parrainais depuis un an un Français pour qu’il vienne travailler pour moi », déplore Luc Lapointe, fondateur de Forges Urbaines, la plus grande entreprise de savoir-faire artisanale au Canada avec un chiffre d’affaires de 2 millions $.
Le ministre de l’Immigration, Simon Jolin-Barrette, a présenté la semaine dernière le projet de loi 9, qui permettra notamment à Québec d’« imposer des conditions qui affectent la résidence permanente » conférée en vertu de la loi fédérale sur l’immigration.
RECOMMENCER À ZÉRO
Le gouvernement Legault prévoit ainsi mieux arrimer les travailleurs qualifiés avec les besoins des compagnies.
Si M. Lapointe estime que le nouveau plan d’immigration des caquistes « sera une bonne chose et bien plus efficace », il aurait souhaité que l’on poursuive le traitement des demandes déjà formulées afin d’éviter que « tout le monde doive recommencer à zéro ».
« Ce sont des coûts et du temps qui sont perdus à jamais, il me semble qu’il y avait d’autres solutions », se questionne le forgeron, qui a démarré son entreprise en 2007.
Le forgeron français parrainé par Luc Lapointe, Olivier Sechet, est destiné à devenir directeur de production chez
Forges Urbaines, dès que sa demande d’immigration sera acceptée (voir autre texte).
« Tout est prêt pour l’accueillir, on a augmenté la charge de travail pour compenser son salaire, on a investi pour du matériel informatique. Ne reste plus qu’à ce qu’il arrive », grogne M. Lapointe.
EMPLOI ASSURÉ
Le Français de 42 ans possède une « expérience très pertinente et pointue dans le domaine du fer forgé et de la métallerie fine », qui est très rare au Québec.
« Ce n’est pas comme s’il arrivait ici avec rien. Il a un emploi assuré, fait valoir M. Lapointe. Le gouvernement devrait plutôt faciliter l’arrivée de gens comme lui, qui va venir aider une entreprise d’ici à grandir. Son absence vient affecter mon seuil de rentabilité », s’inquiète le forgeron.
Il en coûtera environ 19 M$ à Québec pour rembourser les frais des demandeurs. Le gouvernement Legault invite les gens à recommencer à zéro et à s’inscrire au programme Arrima en déposant gratuitement une déclaration d’intérêts.