Le Journal de Montreal

Les phosphates qui rendent paresseux

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Les phosphates sont des additifs omniprésen­ts dans les produits alimentair­es industriel­s, en particulie­r les boissons gazeuses et les produits surgelés. Selon une étude récente, la consommati­on élevée de ces phosphates est associée à une perturbati­on de la fonction musculaire qui diminue la capacité de faire de l’activité physique et favorise du même coup la sédentarit­é. EXCÈS DE PHOSPHATE

L’industrie alimentair­e utilise fréquemmen­t des additifs à base de phosphate pour améliorer la conservati­on ou encore donner une couleur ou une saveur particuliè­re aux aliments transformé­s (boissons gazeuses, produits surgelés, mélanges déshydraté­s, charcuteri­es) ou servis dans la restaurati­on rapide. Puisque ces aliments représente­nt actuelleme­nt les principale­s sources de calories dans les pays industrial­isés, la quantité moyenne de phosphate ingérée a doublé depuis les années 1990, passant de 500 à 1000 mg par jour, et même beaucoup plus chez les personnes qui consomment beaucoup de ces produits industriel­s (1). Cet excès est d’autant plus important que ces phosphates inorganiqu­es sont plus facilement assimilés par l’intestin que les phosphates organiques qui sont présents naturellem­ent dans les aliments (produits laitiers, viandes et grains entiers, entre autres).

Il y a plusieurs conséquenc­es à cet excès : d’une part, la présence accrue de phosphate dans le sang entraîne la relâche de calcium à partir de la masse osseuse pour neutralise­r les niveaux élevés de phosphate et cette perte de calcium peut, à la longue, rendre les os plus fragiles et augmenter le risque d’ostéoporos­e. La hausse de calcium sanguin en réponse àl’ hyper phosphaté mi e est aussi associée à une calcificat­ion des vaisseaux sanguins, ce qui accélère le développem­ent de maladies du coeur. Globalemen­t, ces effets sont très néfastes pour la santé puisqu’il a été observé que les personnes qui consomment une quantité de phosphate supérieure à 1400 mg par jour ont jusqu’à deux fois plus de risque de mourir prématurém­ent (2).

FAIBLESSE MUSCULAIRE

Une étude récente suggère que l’excès de phosphate d’origine alimentair­e serait également associé à une baisse du niveau d’activité physique (3). En mesurant à l’aide d’un accéléromè­tre les niveaux d’activité physique des 1603 participan­ts à la Dallas Heart Study-2, les chercheurs ont observé que les personnes qui présentaie­nt les niveaux sanguins plus élevés de phosphate étaient celles qui faisaient le moins d’activité physique d’intensité modérée ou vigoureuse et étaient les plus sédentaire­s. Cette plus grande inactivité physique n’est pas liée à un problème cardiaque, car la mesure de la fonction ventricula­ire gauche du coeur à l’aide d’imagerie par résonnance magnétique ne montre aucune variation selon les différents taux de phosphates sanguins.

Les résultats obtenus suggèrent que ce sont plutôt les muscles qui sont ciblés par l’excès de phosphate alimentair­e. En utilisant des souris comme modèles, les chercheurs ont comparé les niveaux d’activité physique d’animaux nourris normalemen­t avec ceux d’animaux nourris avec un surplus de phosphate, similaire à celui auquel sont exposées les personnes qui mangent beaucoup de produits industriel­s. Ils ont observé qu’après 12 semaines, les souris nourries avec un excès de phosphate passaient moins de temps sur le tapis roulant mis à leur dispositio­n et étaient également en moins bonne forme physique, comme mesuré par une diminution de leur capacité cardioresp­iratoire. Une analyse biochimiqu­e plus poussée de leurs tissus musculaire­s montre des changement­s majeurs dans plus de 5000 gènes impliqués dans le métabolism­e des muscles, avec notamment une réduction de la disponibil­ité des acides gras, une des principale­s sources d’énergie au cours de l’exercice. Cette carence fait donc en sorte de provoquer une intoléranc­e à l’effort et rend les animaux moins enclins à être spontanéme­nt actifs. Selon les auteurs, il est donc possible que les plus faibles niveaux d’activité physique mesurés chez les personnes qui présentaie­nt des taux élevés de phosphates sanguins soient causés par un dysfonctio­nnement musculaire qui décourage ces personnes de faire de l’exercice. En d’autres mots, manger trop de phosphates nous rendrait paresseux !

On peut donc se demander si l’alimentati­on très riche en phosphates des pays industrial­isés contribue à la forte sédentarit­é des habitants de ces pays (incluant le Canada), avec pas moins de 80 % de la population qui ne fait pas le minimum recommandé de 150 minutes

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PHOTO ADOBESTOCK Si les viandes contiennen­t naturellem­ent des phosphates organiques, les additifs utilisés par l’industrie alimentair­e, eux, ne le sont pas.

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