Une photo qui réveille de vieux fantômes
Le gouverneur de Virginie dans de mauvais draps pour un déguisement « raciste »
RICHMOND | (AFP) Les accusations de racisme à l’encontre du gouverneur de Virginie ont réveillé les fantômes du passé dans cet État profondément marqué par son histoire esclavagiste et ségrégationniste.
Une vieille photo, récemment déterrée d’un album de promo étudiant (yearbook) datant des années 1980, a renvoyé la Virginie face aux heures les plus sombres de son passé.
On y voit deux personnes : l’une grimée en Noir — selon la pratique du blackface — et l’autre vêtue de la tunique blanche à chapeau pointu du Ku Klux Klan.
VOLTE-FACE
Après avoir présenté ses excuses pour « un déguisement qui est à l’évidence raciste et insultant », le gouverneur démocrate de Virginie, Ralph Northam, a fait volte-face et nié apparaître sur cette photo.
«Le blackface est déshumanisant », dénonce James « JJ » Minor, président de l’antenne locale de l’association de lutte pour la défense des droits des Noirs.
L’affaire Northam montre que « la bonne vieille Dixie », surnom donné au territoire couvert par les anciens États confédérés à l’époque favorables à l’esclavagisme, « n’est pas morte », poursuit-il depuis le quartier de Shockoe Bottom à Richmond, qui abritait autrefois un marché aux esclaves.
Parfois considérée comme le « berceau de l’Amérique », la Virginie a vu naître quatre des cinq premiers présidents des États-Unis.
Elle a aussi été une plaque tournante du commerce des esclaves, principal champ de bataille de la Guerre de Sécession au XIXe siècle, et, plus tard, l’un des États les plus imperméables au mouvement des droits civiques qui a mis fin à la ségrégation.
Les habitants de Virginie semblent partagés sur l’affaire Northam. Selon un sondage Washington Post-Schar School, ils sont autant à souhaiter la démission de leur gouverneur qu’à vouloir le voir rester à son poste. Et les Noirs sont plus nombreux que les Blancs à se prononcer pour son maintien à la tête de l’État.
Des ténors politiques, dont de nombreux démocrates comme Hillary Clinton ou Joe Biden, poussent Ralph Northam à démissionner, mais l’élu s’accroche toujours à son siège. « La Virginie a besoin de quelqu’un de fort, avec de l’empathie, du courage et des valeurs morales. Et c’est pourquoi je ne démissionnerai pas », déclare-t-il dans des extraits diffusés hier sur CBS.
RÉPERCUSSIONS NATIONALES
Alors que son gouverneur adjoint Justin Fairfax et le procureur général Mark Herring sont eux aussi sur la sellette, le scandale frappant le gouvernement démocrate de Virginie a des répercussions nationales. Les républicains se frottent ainsi les mains de cette chance de faire revenir à droite cet État pivot.
Mark Herring a admis s’être grimé en Noir dans les années 1980, tandis que Justin Fairfax, un élu noir, est visé par des accusations d’agression sexuelle.
Or seul ce dernier est aujourd’hui directement menacé par certains dans ses propres rangs démocrates d’une procédure de destitution.
Donald Trump s’est emparé du sujet hier : « Il existe clairement deux poids, deux mesures en Virginie et les Afro-Américains sont très en colère ! » a tweeté le président républicain.