Les milliardaires pris pour cible
L’affaire Bezos démontre que même eux ne sont pas à l’abri du piratage informatique
NEW YORK | (AFP) Même l’homme le plus riche du monde n’a pas pu empêcher le piratage d’un égoportrait intime. La révélation par Jeff Bezos, PDG d’Amazon, voulant qu’un tabloïd se soit procuré illicitement une photo de lui dénudé montre que les milliardaires ne sont pas hors d’atteinte d’intrusions informatiques.
« Personne n’est hors de portée de l’exploitation en ligne », assène Mark Johnson, patron de la société de sécurité informatique Sovereign Intelligence.
Pour cet expert, les milliardaires et grands patrons sont particulièrement vulnérables parce que leurs informations personnelles constituent une mine d’or pour les criminels, les agences de renseignement et les concurrents. Ces différents acteurs parient, selon lui, que les données volées vont leur donner une meilleure compréhension des innovations et des stratégies des individus piratés.
DES CAS PLUS NOMBREUX
«Sile National Enquirer a des photos du pénis de Jeff Bezos, ne me dites pas que la Chine n’a pas l’IP d’Amazon et sa stratégie », écrit sur son compte Twitter Ian Bremmer, fondateur du think tank Eurasia Group.
Depuis les révélations de M. Bezos, dont la fortune est estimée à plus de 130 milliards de dollars, les experts en sécurité informatique interrogés affirment avoir constaté une augmentation des appels de grosses fortunes leur demandant de vérifier que leurs systèmes informatiques et appareils n’ont pas été piratés.
« Les menaces actuelles ne visent pas nécessairement à percer les murs du château, car elles sont déjà à l’intérieur, notamment dans les appareils personnels et l’expérience a montré que ça prend huit mois avant qu’une intrusion ne soit détectée », dit Kris Coleman, fondateur de Red Five Security.
À l’ère du tout connecté, une grande partie de la sécurité des grosses fortunes s’est déplacée des gardes du corps et alarmes de sécurité ultra sophistiquées vers la gestion des risques pour protéger leurs biens, leur image et leur « héritage » parce que de plus en plus des informations personnelles sont stockées en ligne, numéros de sécurité sociale, données bancaires, bilan de santé, numéro de permis de conduire, adresses personnelles, etc.
DÉPENSES EN HAUSSE
Les grosses fortunes disposent le plus souvent d’un service de sécurité informatique et font appel également à des sociétés extérieures pour une évaluation régulière de leur dispositif, car un grand nombre d’attaques informatiques sont détectées par des tiers, selon les observateurs.
Mark Zuckerberg, le PDG de Facebook, a dépensé 7,3 millions $ dans sa sécurité en 2017, contre 4,2 millions en 2015, une somme astronomique que le réseau social a jugé normale en raison de « son rang et de son importance ». En juillet dernier, Facebook a indiqué qu’il lui donnerait 10 millions de dollars de plus par an pour renforcer son dispositif sécuritaire.
« La protection contre un complot de l’intérieur, notamment de personnes de confiance, ou contre une agence de renseignement qui essaie d’attaquer de l’extérieur demande un gros investissement, beaucoup d’expérience et de la vigilance X, estime Kris Coleman, qui ne souhaite pas donner de détails sur les mesures de sécurité prises pour ses clients.
Le site d’informations américain Splinter a publié la semaine dernière des courriels racistes du milliardaire Joe Ricketts, le fondateur du courtier TD Ameritrade Holding Corp, sans dire comment il les a obtenus. Dans ces échanges, dont certains remontent à 2009, M. Ricketts fait part de son islamophobie et se présente en adepte des théories du complot. Il s’est depuis excusé.
En août 2015, une cyberattaque contre le site de rencontres extra-conjugales Ashley-Madison a révélé que le milliardaire américain Dan Loeb y détenait un compte, une intrusion dont se serait bien passé ce financier, bête noire des patrons d’entreprises.