Le Journal de Montreal

Le pari risqué d’Emmanuel Macron

Un référendum pour mettre fin à la gronde populaire mettrait sa présidence en jeu

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PARIS | (AFP) Soucieux d’éteindre la fronde inédite des « gilets jaunes », le président Emmanuel Macron a laissé entendre qu’il pourrait organiser un référendum pour la première fois depuis 14 ans en France, un pari jugé risqué par les experts.

Conspué par des manifestan­ts hostiles à sa politique fiscale et sociale depuis près de trois mois, le chef de l’État français a regagné un peu de sa popularité perdue en s’investissa­nt personnell­ement dans le « grand débat national », une série de réunions publiques organisées à travers la France afin de recueillir les doléances de la population.

Mais comment tirer les conclusion­s de ces centaines d’heures de débats et des plus de 700 000 contributi­ons reçues sur internet ?

« À un moment donné, je serai peut-être amené à demander à nos concitoyen­s s’ils (sont d’accord) sur telle ou telle chose », a répondu en début de semaine Emmanuel Macron, confirmant ainsi qu’il envisageai­t la tenue d’un référendum, qui pourrait se tenir le jour des élections européenne­s, le 26 mai.

« On tente un peu le tout pour le tout. C’est une façon d’essayer de sortir de la crise au risque d’être plongé dans une crise encore plus grave », observe Jean-Philippe Derosier, constituti­onnaliste et professeur de droit.

CARTE À JOUER

Échaudés, les présidents français ont rechigné depuis à consulter directemen­t la population, avec seulement cinq référendum­s organisés depuis 1969.

Le dernier, en 2005, a abouti à un rejet du projet de Constituti­on européenne, une cuisante défaite pour le président d’alors Jacques Chirac. Mais le référendum apparaît désormais comme une carte à jouer pour Emmanuel Macron, qui peine à clore la crise la plus grave de ses 20 mois de présidence.

L’annonce d’un train de mesures de 10 milliards d’euros (15 G$) destinées à soutenir le pouvoir d’achat des salariés et retraités les plus modestes n’est pas parvenue à calmer la colère.

« L’un des enseigneme­nts majeurs du mouvement des gilets jaunes, c’est l’impression pour beaucoup de Français de ne pas être assez entendus dans le débat public, de ne pas être complèteme­nt pris en compte par les élites politiques, qui sont discrédité­es », analyse Jean Garrigues, professeur d’histoire à Sciences Po.

Organiser un référendum pourrait répondre à ce désir de nombreux Français d’être mieux écoutés. Mais cela n’irait pas sans risques. Des membres du gouverneme­nt et du parti présidenti­el se sont ainsi ouvertemen­t inquiétés d’une possible confusion si un référendum devait être organisé en même temps que le scrutin européen.

ÉQUILIBRE DÉLICAT

Et le président Macron serait contraint de trouver un équilibre délicat dans les questions posées, en évitant les sujets les plus épineux qui pourraient conduire à une défaite en rase campagne.

« Le peuple, dans une consultati­on avec une telle dimension personnell­e, oublie en général de répondre à la question posée pour répondre à la personne qui la pose : est-ce qu’on soutient ou non le Président de la République », souligne M. Derosier.

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PHOTO AFP De nouveaux heurts ont opposé les « gilets jaunes » aux forces de l’ordre samedi.

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