Comment ils ont lavé leur argent sale
La GRC a fait le bilan de son opération contre un réseau de blanchiment d’argent du crime organisé québécois
C’est grâce à une sorte de « banque mondiale du crime » que les motards et la pègre du Québec ont pu blanchir une somme de narcodollars s’élevant dans les neuf chiffres.
La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a donné des détails à donner le vertige, hier, sur le réseau international de recyclage d’argent que ses policiers ont démantelé lundi dans l’opération Collecteur.
« Je peux vous dire qu’on est dans les centaines de millions de dollars », a déclaré l’enquêteur principal de ce projet, François-Olivier Myette, en parlant des liasses d’argent liquide que le crime organisé québécois a confiées à ce réseau depuis 2013.
Les Hells Angels et cinq factions mafieuses de diverses origines ont profité de ce que la GRC a comparé à un « système bancaire clandestin » pour laver ses millions provenant d’activités criminelles ou pour payer des producteurs de drogues en Colombie, au Mexique ou en Chine.
QUARTIER GÉNÉRAL À DUBAÏ
Chaque semaine, les policiers ont observé des courriers partir de Montréal avec des valises bourrées de 250 000 $ à 1 million $ pour aller les « déposer » dans des bureaux de change à Toronto.
Mais ce sont des complices à Dubaï, là où les recycleurs disposaient de capitaux importants, dont « une grande partie » provenait de l’Iran, qui orchestraient les transferts de fonds en échange de généreuses commissions.
« C’est comme si tu mettais de l’argent dans ta poche gauche et que tu en sortais ensuite de ta poche droite », a imagé le sergent Myette, en laissant entendre que le réseau comptait sur des financiers avec les poches pleines de liquidités aux quatre coins du globe.
Les têtes dirigeantes canadiennes du réseau seront toutefois punies là où ça fait mal : dans leur gros train de vie et leurs économies provenant de l’évasion fiscale et des fonds blanchis.
La police fédérale et l’Agence du revenu du Canada ont saisi ou bloqué sept résidences et quatre comptes bancaires d’une valeur totalisant près de 23 mil- lions $. Des propriétés qui pourraient être confisquées au profit de l’État.
UN CHÂTEAU DE 7 M$
La récolte inclut le château de 7 millions $ du leader ontarien du réseau, Nader Gramian-Nik, et le condo à Laval du chef allégué de l’organisation au Québec, Mohamad Jaber.
La GRC a également saisi pour 8,7 millions $ en argent comptant et pour 2,2 millions $ en drogues.
« Quand on s’attaque à leur argent, on les frappe dans leur motivation à commettre des crimes. Ce ne sont pas des gens comme vous et moi qui se lèvent le matin pour venir travailler et qui paient leurs impôts », a fait valoir la surintendante Martine Fontaine, responsable des enquêtes criminelles à la GRC.
L’enquête se poursuit et d’autres arrestations pourraient s’ajouter à la vingtaine de lundi.
Le Journal a appris notamment que les policiers s’intéressent à un obscur homme d’affaires qui s’est payé cash un condo de 400 000 $ dans une tour située près du Centre Bell, en 2017, et qui louait sa maison à Laval au présumé numéro deux québécois du réseau de blanchisseurs, Kamel Ghaddar.