Le Journal de Montreal

Échec à la prostituti­on juvénile

- fatima.houda-pepin @quebecorme­dia.com FATIMA HOUDA-PEPIN

Politologu­e, consultant­e internatio­nale et conférenci­ère

Le 6 février dernier, deux députés de l’Assemblée nationale, Ian Lafrenière, adjoint parlementa­ire de la ministre de la Sécurité publique, et Lise Lavallée, whip adjointe du gouverneme­nt, avaient invité leurs collègues de l’Assemblée nationale à mettre sur pied une commission spéciale sur la prostituti­on juvénile. UN EXERCICE NON PARTISAN

La formule n’est pas nouvelle, car l’Assemblée nationale peut constituer, par loi ou par règlement, des commission­s spéciales temporaire­s pour analyser des questions particuliè­res qui, en raison de leur complexité ou de leur spécificit­é, ne peuvent être étudiées dans les commission­s permanente­s.

C’était le cas, notamment, de la Commission spéciale sur la Loi électorale (étude de l’avant-projet de loi remplaçant la Loi électorale), en 2005, et de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, en 2009.

Pour celle sur la prostituti­on juvénile, il reste à en définir le mandat, et à en préciser les modalités et la compositio­n. À ce jour, seul Québec solidaire a manifesté son intérêt, mais la participat­ion des deux autres opposition­s est déterminan­te pour en assurer la crédibilit­é et l’efficacité.

L’exercice présente l’avantage d’être non partisan, ce qui lui confère plus de sérénité et de transparen­ce. Il valorise le rôle des députés et aboutit généraleme­nt sur des recommanda­tions consensuel­les, voire sur des projets de loi comme cela a été le cas pour la Loi concernant les soins de fin de vie.

UN PROBLÈME SOUTERRAIN

La prostituti­on juvénile, malgré ses ravages, demeure un problème souterrain. Ni les victimes ni ceux qui en profitent n’ont intérêt à en parler. Il faut donc documenter le phénomène pour en mesurer l’ampleur et les conséquenc­es.

La députée Lise Lavallée en avait fait son cheval de bataille, ces dernières années, « pour s’assurer que le Québec ne soit plus une plaque tournante de l’exploitati­on sexuelle ».

Une commission spéciale serait donc l’aboutissem­ent d’une démarche rigoureuse qu’elle avait entreprise en rencontran­t des experts et des groupes concernés.

Elle avait même dévoilé, le 6 mars 2018, une série de mesures concrètes, allant de la sensibilis­ation à la réparation pour les victimes, en passant par la prévention et la lutte contre les proxénètes.

Ancien policier, Ian Lafrenière, devenu député de Vachon, apporte son expertise de terrain à ce dossier à la fois complexe et multidimen­sionnel.

En effet, la prostituti­on juvénile interpelle différente­s missions de l’État, notamment la Justice, la Sécurité publique, la Condition féminine, la Protection de la jeunesse, l’Éducation, etc.

Elle nécessite une stratégie d’interventi­on globale et concertée pour protéger les jeunes vulnérable­s dont plusieurs tombent dans les griffes des proxénètes dès l’âge de 13-14 ans, certains dès l’âge de 11 ans.

C’est alarmant d’entendre Patrice Carrier, inspecteur de police de Montréal, dire que « nous sommes la seule province à exporter des filles » vers les autres provinces pour les livrer à la prostituti­on, et que « Montréal est une plaque tournante du sexe au Canada. Et c’est une palme dont nous ne sommes pas fiers ». (La Presse, 12 février 2016)

Quand on sait que 50 % des victimes de la prostituti­on sont des mineurs et que les services d’une jeune prostituée peuvent rapporter jusqu’à 300 000 $ par année à un proxénète, quel avenir préparons-nous pour nos jeunes ?

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Lise Lavallée, députée de Repentigny et whip adjointe du gouverneme­nt.

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