Le Journal de Montreal

NOS ÉGLISES S’EN VONT CHEZ LE DIABLE

Abandonnée­s, fermées ou transformé­es

- NICOLAS SAILLANT Le Journal de Québec

QUÉBEC | De plus en plus d’églises, dont certaines constituen­t des joyaux d’architectu­re, ferment leurs portes au Québec, faute de financemen­t pour leur redonner une seconde vie. Notre patrimoine religieux s’en va chez le diable, déplorent des experts.

« Bâtiment carrément en péril », « urgence manifeste » ou « histoires d’horreur », les spécialist­es qui étudient la question ne manquent pas de qualificat­ifs pour illustrer « l’état alarmant » de la situation.

Et rien n’indique que l’aide de 20 M$ annoncée par la ministre Nathalie Roy au début du mois suffira à colmater la brèche, estime l’urbaniste Serge Filion, qui s’intéresse de près au sort de nos églises.

« L’argent ne vient pas au même rythme que le péril », déplore l’expert, qui plaide pour une « corvée nationale ».

DÉMOLIES OU OUBLIÉES

Au cours des dernières semaines, l’actualité est venue rappeler aux Québécois, parfois brutalemen­t, que les églises qu’ils ont désertées en tournant le dos à la religion catholique sont en train de disparaîtr­e sous le pic des démolisseu­rs ou de sombrer dans l’oubli:

√ l’église Saint-Coeur-de-Marie, sur la Grande Allée, à Québec, a été démolie cet été. Elle fera place à des condos, malgré sa valeur patrimonia­le jugée « supérieure » ; √ l’église du Très-Saint-Sacrement, sur le chemin Sainte-Foy, à Québec, a dû être fermée d’urgence, le mois dernier, pour des raisons de sécurité. L’imposant lieu de culte presque centenaire risque maintenant la démolition.

Le sort de ces deux églises est pourtant loin d’être unique. Une recension effectuée en mai dernier par le Conseil du patrimoine religieux a révélé que 612 des 2746 églises qui avaient été répertorié­es au Québec en 2003 avaient depuis été démolies, fermées ou recyclées.

Cela signifie que 22 % du parc immobilier religieux a disparu sur une période de 16 ans.

S’il est malheureus­ement trop tard pour certaines églises démolies malgré leur grande valeur patrimonia­le, les experts s’inquiètent particuliè­rement de celles qui sont actuelleme­nt fermées, laissées souvent sans chauffage l’hiver et sans aucun projet dans les cartons.

« Quand on ferme une église, le compte à rebours commence », indique Serge Filion.

En matière de préservati­on, il s’agit de la pire des situations, dit-il.

« En patrimoine, c’est terrible. Notre inquiétude, c’est vraiment par rapport à l’inoccupati­on. Il peut y avoir du vandalisme, du vol, la détériorat­ion est plus rapide », explique Renée Genest, d’Action patrimoine.

DEBOUT DE JUSTESSE

Actuelleme­nt, 108 églises sont fermées au Québec, souvent depuis plusieurs années. Certaines tiennent « encore debout par la peau des dents », n’hésite pas à dire la professeur­e de l’UQAM Lucie K. Morisset. « Dans certains cas, il est carrément trop tard. »

Au cours des dernières semaines,

Le Journal a d’ailleurs identifié certains de ces cas alarmants au Québec. Parmi ceux-ci:

√ une église datant de 1895 qui risque la démolition, dans un village de Lanaudière (voir autre

texte en page 30 );

√ une immense église abandonnée et qui a été ravagée par de nombreux incendies au cours de l’hiver dernier à Montréal (voir autre

texte en page 31 );

√ une autre église dangereuse de la métropole, où les paroissien­s sont contraints d’assister à la messe dans le couloir d’un édifice adjacent (voir autre texte en page 32).

DES CHOIX DIFFICILES

Même avec plus de moyens, les observateu­rs s’entendent pour dire qu’il y aura des choix à faire.

« Si vous essayez de tout conserver, ça équivaut à tout abandonner, c’est une question de moyens », prévient John Porter, président d’un groupe de travail sur la situation dans la Vieille Capitale.

L’aide de 20 M$ annoncée début août par le gouverneme­nt Legault est loin de répondre aux demandes souvent urgentes que reçoit le Conseil du patrimoine religieux.

En 2018, les demandes reçues par l’organisme totalisaie­nt 40 M$.

À cela s’ajoute l’incapacité pour plusieurs municipali­tés d’entretenir les églises, leur population étant tout simplement insuffisan­te pour supporter le fardeau que cela peut représente­r.

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PHOTOS STEVENS LEBLANC
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