Le Journal de Montreal

L’industrie touristiqu­e du Québec à bout

En raison de la pénurie de main-d’oeuvre, bien des commerçant­s finissent la saison « la langue à terre »

- JONATHAN TREMBLAY

Le propriétai­re du Manoir Charlevoix, Jacques Rioux, n’a pas le choix d’aider ses préposés avec le ménage des chambres.

Les travailleu­rs du domaine du tourisme au Québec terminent l’été épuisés. Leurs employeurs n’ont jamais réussi à résorber la pénurie de main-d’oeuvre qui frappe l’industrie de plein fouet depuis ce printemps.

Employés et patrons ont donc dû redoubler d’ardeur pour survivre à la crise, cumulant les heures supplément­aires et utilisant leur imaginatio­n, selon la dizaine de propriétai­res et représenta­nts du milieu interrogés.

Le tout en essayant, tant bien que mal, de ne pas affecter la qualité des services. Une réalité encore plus vraie en région que dans les grands centres.

« Les gens ont la langue à terre », concède Marjolaine de Sa, directrice générale de l’Associatio­n hôtelière de la région de Québec.

20 000 EMPLOIS À POURVOIR

En mai dernier, Le Journal rapportait que l’industrie sonnait l’alarme, faisant face à une importante pénurie de main-d’oeuvre, la pire en 10 ans dans la province.

On révélait que les trois quarts des 20 000 emplois alors à pourvoir se situaient en hébergemen­t et en restaurati­on.

Ces postes n’ont pas été pourvus depuis. Les hôteliers et restaurate­urs questionné­s par Le Journal ont usé de créativité pour s’adapter, en présentant entre autres de nouvelles aubaines, des menus et des horaires réduits, etc.

Certains ont augmenté le salaire de leurs employés, comme Jacques Rioux, propriétai­re du Manoir Charlevoix. Ce dernier voulait s’assurer de « garder son monde », et ainsi s’éviter un problème d’embauches.

« On gruge dans le peu de profits, et on donne moins de services, se désole l’homme d’affaires. On trouve toujours des dépenses à couper. »

N’ayant pas d’autres choix, il effectue lui-même au quotidien l’entretien de ses 30 chambres pour aider son personnel essoufflé. Une réalité qui ne lui serait pas unique.

« Ce n’est plus rare qu’on entende qu’un cadre fait le ménage sur les étages », soutient Marjolaine de Sa.

FERMETURES FORCÉES

Pire encore, des restaurant­s en Abitibi-Témiscamin­gue ont complèteme­nt fermé leurs portes pendant les vacances de la constructi­on, faute de personnel.

« Ce sont des semaines de terrasse [avec plus de places assises], c’est sûr que ça affecte nos profits. En région, c’est assez fréquent. Ça devient trop compliqué à gérer, regrette Maxime Flingou, propriétai­re du restaurant Le Flingou, à Amos. Maintenant, on ferme aussi les lundis. »

La situation ne s’avère pas plus gaie à 1600 km de là, à Natashquan, au Nord-du-Québec.

« Nos employés ont deux ou trois emplois chacun dans les attraits touristiqu­es pour combler le manque, note Laurent Desjardins, gestionnai­re du Café L’Échouerie, dont les heures d’ouverture varient selon l’achalandag­e. C’est énorme, l’impact de la pénurie sur le service. Notre menu est très simple. Avant, on avait un chef, maintenant, on ne peut servir que des à-côtés. »

Les différents acteurs de l’industrie affirment que ces alternativ­es ont eu un impact négatif sur leurs profits, sans toutefois pouvoir en chiffrer l’ampleur pour le moment. La haute saison touristiqu­e se termine dans quelques semaines.

« ET ON ON GRUGE DONNE DANS MOINS LE PEU DE SERVICES. DE PROFITS, ON TROUVE TOUJOURS DES DÉPENSES À COUPER. » – Jacques Rioux

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PHOTO COLLABORAT­ION SPÉCIALE, CLÉMENT ROY

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