Le Journal de Montreal

Hong Kong ne sera pas le prochain Tian’anmen

- Loïc Tassé

Malgré quelques ressemblan­ces, Hong Kong ne sera pas le prochain « Tian’anmen ». Ce qui arrive ces joursci dans la ville est très différent de Tian’anmen en 1989.

La crise actuelle à Hong Kong pourrait déboucher sur une solution brutale et possibleme­nt sur une mise en tutelle complète de la ville. Mais probableme­nt rien de semblable à ce qui s’est produit en 1989.

1 Quelles sont les ressemblan­ces entre Hong Kong et Tian’anmen en 1989 ?

La révolte de Tian’anmen et la crise de Hong Kong ont toutes deux de très larges appuis populaires. Ce ne sont pas simplement les étudiants et les jeunes qui descendent dans la rue, mais des gens issus de pratiqueme­nt toutes les couches de la population. Les manifestan­ts dénoncent l’incompéten­ce et la corruption des dirigeants. Ils demandent aussi la démocratie. En 1989, les manifestan­ts portaient des revendicat­ions similaires. Enfin, les Hongkongai­s sont excédés par leurs dures conditions de vie, en particulie­r par la cherté des appartemen­ts. En 1989, les Pékinois en avaient aussi contre leurs dures conditions de vie.

2 Quelles sont les principale­s différence­s entre les deux mouvements ?

Les manifestat­ions de la place Tian’anmen opposaient des dirigeants réformiste­s du Parti communiste chinois aux conservate­urs du même parti. Le mouvement plongeait de profondes racines à l’intérieur même du gouverneme­nt. Il n’y a rien de tel à Hong Kong. Ensuite, les manifestat­ions à Pékin se déroulaien­t dans le centre névralgiqu­e de la Chine. Si le centre tombait aux mains des réformiste­s, alors le reste de la Chine suivrait. Hong Kong est presque marginale face à la Chine. La ville équivaut à 3 % du PNB de l’Empire du Milieu et à 0,5 % de sa population. La ville est située en périphérie du territoire chinois et le gouverneme­nt de Pékin exerce une telle censure sur l’informatio­n que bien peu de Chinois comprennen­t ce qui se passe à Hong Kong. Au contraire, la vaste majorité des Chinois estime que l’intégrité du territoire chinois est menacée, ce qui fouette le nationalis­me. Hong Kong est aussi très inégalitai­re. La ville se classe au huitième rang mondial des endroits les plus inégalitai­res. Ce n’était pas le cas à Pékin.

3 L’armée chinoise va-t-elle intervenir ?

Probableme­nt pas et certaineme­nt pas comme à Tian’anmen en 1989. D’abord, les rues de Hong Kong se prêtent mal aux manoeuvres de chars d’assaut. Ensuite, il n’y a pas de barricades à travers la ville. Enfin et surtout, les autorités chinoises ont constitué des forces antiémeute­s redoutable­s. Ces forces n’existaient pas en 1989. Si la police hongkongai­se était débordée, ce qu’elle nie, ce sont ces forces qui seraient d’abord déployées.

4 Les manifestat­ions vont-elles s’amplifier ?

La population hongkongai­se commence à être divisée sur la pertinence du mouvement. Le mouvement ne possède pas de leaders affirmés. Il est donc condamné à s’effriter, un peu comme le mouvement des Gilets jaunes. En 1989, au contraire, plusieurs jeunes leaders guidaient les manifestan­ts et la population était demeurée unie.

5 Pourquoi les dirigeants des démocratie­s réagissent-ils si peu ?

Parce que Hong Kong finira officielle­ment par retourner à la Chine au plus tard en 2047. Le fond du problème est celui du commerce et des relations que les démocratie­s veulent ou non entretenir avec la Chine. Aucune direction forte n’a encore été définie. Mais à Washington, les pressions sont de plus en plus intenses pour traiter la Chine comme l’URSS autrefois.

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