Le Journal de Montreal

Une proie facile pour Air Canada

Des résultats financiers fragiles rendaient incertain l’avenir de Transat

- SYLVAIN LAROCQUE Le Journal de Montréal

Les difficulté­s financière­s de longue date de Transat ont fini par rendre le voyagiste québécois vulnérable aux griffes d’Air Canada, qui respire la santé et qui ne rate jamais l’occasion de se débarrasse­r d’un concurrent.

« Transat n’avait pas des résultats très reluisants. Il y avait eu une seule bonne année au cours des sept ou huit dernières », affirme Isabelle Dostaler, experte en aviation et doyenne de la Faculté d’administra­tion de l’Université Memorial.

En fait, depuis 2011, Transat n’a pas fait un seul sou pendant la saison d’hiver, qui est pourtant celle pendant laquelle l’entreprise génère le plus de revenus compte tenu de l’engouement inébranlab­le des Canadiens pour les vacances au soleil.

DÉPENDANCE AU TOURISME

Au fil des ans, la direction de Transat a multiplié les plans pour redresser la situation, mais en vain. Encore l’an dernier, l’entreprise n’a « pas atteint les cibles qui avaient été fixées », peut-on lire dans un récent document réglementa­ire. Il aurait fallu encore « plusieurs années » pour obtenir les résultats espérés.

Les analystes financiers expliquaie­nt généraleme­nt les difficulté­s de Transat par sa dépendance au marché touristiqu­e, où les profits sont beaucoup plus minces que dans le segment des vols d’affaires.

Au Royaume-Uni, le voyagiste Thomas Cook vit actuelleme­nt des problèmes semblables, note Mme Dostaler.

CONCURRENC­E

De plus, Air Canada et WestJet ont envahi le terrain de jeu de Transat ces dernières années, de sorte que l’entreprise québécoise a glissé du premier au troisième rang dans le marché Sud.

Avec sa filiale Rouge, Air Canada est allée jusqu’à copier le modèle de Transat en Europe.

Hanté par la fin abrupte de tant de compagnies aériennes, Jean-Marc Eustache, cofondateu­r et PDG de Transat depuis les tout débuts, se faisait une obsession d’accumuler les liquidités.

Au dernier décompte, il y en avait pour près de 800 M$ ! De quoi survivre pendant plusieurs années, crise ou pas.

OUVERTURE SOUDAINE À AIR CANADA

Un revirement s’est produit l’automne dernier. Alors que Jean-Marc Eustache ne voulait jamais parler d’Air Canada avec les analystes, voilà qu’en octobre, il a accepté l’invitation du PDG du plus grand transporte­ur aérien au pays à le rencontrer pour discuter d’une transactio­n.

À peine deux mois plus tard, en décembre, les deux hommes avaient une entente de principe à 13 $ par action de Transat, soit 520 M$. M. Eustache « a fait valoir la nécessité » d’augmenter le prix de 2 $ par action, mais Air Canada ne bronchera pas.

C’est finalement le plus gros actionnair­e de Transat, Letko Brosseau, qui réussira à faire cracher 18 $ par action à Air Canada.

Maintenant âgé de 71 ans, M. Eustache a-t-il préféré vendre plutôt que de laisser les rênes à sa successeur­e désignée, Annick Guérard ? A-t-il nui à la pérennité de l’entreprise en restant si longtemps en poste ?

« Si on avait eu une équipe solide pour prendre la relève, peut-être que le résultat aurait été différent », souligne Isabelle Dostaler.

 ?? PHOTO SYLVAIN LAROCQUE ?? Cofondateu­r de Transat, Jean-Marc Eustache, 71 ans, est PDG du voyagiste depuis 1987. Il touchera personnell­ement plus de 30 M$ avec la vente à Air Canada. On le voit ici lors de la dernière assemblée annuelle de Transat, tenue en avril à Montréal.
PHOTO SYLVAIN LAROCQUE Cofondateu­r de Transat, Jean-Marc Eustache, 71 ans, est PDG du voyagiste depuis 1987. Il touchera personnell­ement plus de 30 M$ avec la vente à Air Canada. On le voit ici lors de la dernière assemblée annuelle de Transat, tenue en avril à Montréal.

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