Le Journal de Montreal

Problème d’attachemen­t

- LOUISE DESCHÂTELE­TS louise.deschatele­ts@quebecorme­dia.com

Je suis un gars rendu dans la trentaine. Depuis que j’ai l’âge d’avoir des blondes, je n’ai jamais réussi à en aimer une plus d’un an ou deux, maximum. Entre ça, je n’ai eu que des aventures d’un ou quelques soirs, du genre fuck friend. La vérité, c’est que je ne réussis jamais à tenir longtemps avec une fille. Quand j’ai fait le tour du jardin, j’ai juste envie de m’en aller.

Un commentair­e de la fille avec laquelle j’ai duré le plus longtemps me trotte dans la tête. Elle m’avait dit que j’avais probableme­nt peur de m’attacher parce que j’avais peur de perdre la personne ensuite. Moi, je ne crois pas que ce soit la raison, puisque c’est toujours moi qui décide de partir quand j’en ai assez. Même si je finis toujours par en avoir assez d’être seul, je n’ai jamais vraiment regretté d’avoir laissé une fille.

Il faut dire que je n’ai pas eu un départ facile dans la vie. Né d’une mère adolescent­e, c’est d’abord ma grand-mère qui a pris soin de moi. Elle avait forcé sa fille à me mettre au monde, même si ma mère avait souhaité un avortement. Je n’ai jamais su qui était mon père puisque personne n’a jamais voulu me le dire. Quand ma grand-mère est morte, j’avais huit ans, et comme ma mère ne voulait pas de moi, je fus pris en charge par la DPJ.

Comme j’étais un enfant difficile, je suis passé d’une famille d’accueil à l’autre, pour finir en centre jeunesse d’où je suis sorti à 18 ans. Je me suis toujours débrouillé tout seul. J’ai un bon métier et je gagne ma vie correcteme­nt, mais j’aimerais avoir une vie un peu plus normale avec les filles, et peut-être même fonder une famille. Pensez-vous que je devrais faire une croix là-dessus ?

Anonyme

Il n’est jamais venu le temps de faire une croix sur quelque chose qu’on se souhaite quand on est disposé à faire les efforts pour l’atteindre. Je pense que l’amie qui vous avait détecté un problème au niveau de l’attachemen­t avait vu juste et je soupçonne que vous risquez de vous reconnaîtr­e dans la définition suivante : « Le trouble réactionne­l de l’attachemen­t désigne les désordres émotionnel­s comporteme­ntaux et l’interactio­n sociale due à un échec de l’attachemen­t relatif aux besoins primaires, lors de la petite enfance. »

Dès votre naissance, vous avez fait face à l’abandon de votre mère, et votre grand-mère, qui a pris soin de vous, vous a laissé en plan pour cause de décès, dès l’âge de 8 ans. La suite ne fut pas plus rose puisque, ayant développé la peur de perdre, vous êtes allé au-devant des coups en vous organisant pour perdre une famille d’accueil après l’autre. Il en va de même avec votre vie amoureuse. Vous quittez avant d’être quitté. Vous préférez étouffer vos sentiments envers quelqu’un pour vous assurer de ne pas souffrir en cas de rupture. Il existe en librairie une panoplie de livres sur le sujet. Cela pourrait vous mettre en appétit pour ensuite faire une thérapie pour tenter d’amorcer la constructi­on du processus d’attachemen­t essentiel en amour.

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