Le Journal de Montreal

Un mariage d’intérêt

- JOSÉE LEGAULT Blogueuse au Journal Politologu­e, auteure, chroniqueu­se politique josee.legault @quebecorme­dia.com @joseelegau­lt

Devant les jeunes caquistes, le premier ministre François Legault a déclaré le projet souveraini­ste révolu. En lieu et place, il propose un nationalis­me s’inspirant à la fois du libéral cosmopolit­e Jean Lesage et de l’ultraconse­rvateur et très canadien-français Maurice Duplessis. Une combinaiso­n étonnante, mais qui s’explique.

Le nationalis­me de M. Legault est en effet axé sur la majorité francophon­e. Il se veut aussi plus revendicat­eur face au Canada tout en acceptant d’y demeurer quoi qu’il arrive. Cette vision ne tient pas du hasard. Elle est le fruit d’une dynamique politique en transition depuis 25 ans.

Malgré la quasi-victoire du Oui au référendum de 1995, il est vrai que l’idée d’un Québec indépendan­t n’a cessé de péricliter. S’en est suivie la chute graduelle du Parti québécois et celle, plus lente encore, du PLQ. Incapable de répondre au recul du souveraini­sme en puisant dans leurs propres racines nationalis­tes, les libéraux ont commis l’erreur de s’engouffrer dans un fédéralism­e trop docile.

REFUGE

Peu à peu, le pays rêvé des Lévesque et Parizeau s’est effacé. Idem pour le « Québec fort dans un Canada uni » des Lesage et Bourassa. Le Québec est redevenu simple province. Dans ce morne paysage, la CAQ a pris des airs soudains de refuge. Au pouvoir, elle coalise en effet nombre d’ex-péquistes et d’ex-libéraux en quête d’une nouvelle famille politique.

Le nation a lis meposts ou ver ainis te de la CAQ, même s’il est encore flou, les cimente. Ses politiques sociales étonnammen­t humanistes font le reste. Même les jeunes caquistes se démarquent de leur génération indifféren­te au sort du français. Ils proposent l’excellente idée de créer (enfin) un poste de commissair­e à la langue française indépendan­t du pouvoir politique. Bravo.

Dans ce même retour du « nationalis­me », il manque pourtant un certain principe de réalité. Le choix de demeurer une province est certes légitime, mais il n’est pas sans risque. Il faut savoir qu’au Canada, l’humeur n’est plus à « accommoder » le Québec depuis longtemps. C’est un fait objectif.

IRONIE

Depuis l’échec de l’Accord du lac Meech en 1990 et la victoire serrée du Non en 1995, le rapport de forces du Québec a fondu comme neige au soleil. Ironiqueme­nt, c’est l’agonie même du projet souveraini­ste dont on fait aujourd’hui le constat pour justifier le retour à un nationalis­me plus « pragmatiqu­e » qui, dans les faits, a asséné le coup fatal à ce fameux rapport de forces déjà amoché.

Traduction : sans « menace séparatist­e » à contrer, le pouvoir fédéral n’a plus la moindre motivation à tenter d’accommoder le Québec sur quoi que ce soit de substantie­l politiquem­ent parlant. Hormis pour les grandes séductions passagères aux élections fédérales, le Québec n’est plus qu’un bassin de votes atomisés et non pas un « partenaire » dans la fédération.

Dans cette nouvelle èreposts ou ver ainis te, le mariage du Québec et du Canada tient le coup, mais les deux conjoints, sans trop l’ébruiter, font chambre à part. Pour le Québec, le vrai problème est qu’il n’a plus accès aux clés de la maison ni aux décisions concernant son aménagemen­t.

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