Le Journal de Montreal

DÉFI RÉUSSI

Martine Marois a traversé les Alpes italiennes avec succès en croisant le fil d’arrivée du Tor des Géants

- François-David Rouleau FDRouleauJ­DM

En septembre dernier, Martine Marois s’était juré une chose à son retour de la course d’endurance du Tor des Géants. Si elle devait revivre la titanesque aventure italienne en montagne, elle la terminerai­t en plein contrôle de ses moyens… et de son estomac.

L’aventurièr­e de Granby a tenu sa promesse en devenant la première Québécoise à rallier le fil d’arrivée de cette course d’endurance en pleine autonomie longue de 339 kilomètres traversant les Alpes italiennes. Au total, 565 des 1026 coureurs ont terminé l’épreuve samedi dernier.

« Je l’ai vécue différemme­nt de l’an dernier. En 2018, plus j’avançais et plus je m’effondrais. Cette fois, j’ai toujours poussé ma roche un peu plus loin », a-telle raconté avec fierté en entrevue à son retour au Québec en début de semaine.

« J’ai laissé tomber les barrières de mon alimentati­on. Je me suis donné les outils et les ressources nécessaire­s pour vivre la course avec enthousias­me. Je suis tombée dans la simplicité et la facilité de l’aventure. Je suis fière du chemin parcouru pour me rendre à ce fil d’arrivée à Courmayeur.

« Ce n’est pas juste moi qui ai franchi la ligne, c’est toute une communauté. Nous sommes 82 000 personnes coeliaques au Québec à avoir réussi, a souligné la femme dans la quarantain­e à propos de son exploit. J’ai passé le fil d’arrivée avec tous ces gens qui vivent la même chose que moi et ceux qui m’ont aidée, allant des spécialist­es aux athlètes qui m’ont inspirée. »

L’an passé, elle s’était effondrée dans un sentier à flanc de montagne au 192e km, à bout de force, le réservoir d’énergie vide, déconnecté­e de la réalité. Deux anges gardiens fermant la piste l’avaient trouvée et évacuée.

Elle n’avait dormi que trois heures en autant de jours. Elle n’avait pu s’alimenter convenable­ment en raison de sa maladie coeliaque, une affection permanente déclenchée par l’ingestion de gluten. Celle-ci entraîne une destructio­n inflammato­ire du petit intestin.

LES LEÇONS DE 2018

Ce mauvais souvenir dans son baluchon, elle était cette fois préparée comme jamais. Au sommet de sa forme physique, l’athlète de 5 pi 5 po et 150 lb avait fait toutes ses provisions énergétiqu­es avant son grand départ. Des poudres, des gels, des barres, des fruits et même des gaufrettes au chocolat. Tout était dans son sac pour éviter de tomber en panne dans les montagnes.

Pas vrai qu’elle s’arrêterait à nouveau dans les points de ravitaille­ment sans être en mesure de se mettre quelque chose sous la dent.

À sa première expérience, elle n’avait pu manger, préoccupée par les risques d’une contaminat­ion croisée dans la nourriture préparée.

« J’étais décidée à changer mon histoire. J’étais en pleine santé et en pleine forme. J’ai pris les moyens pour subvenir à mes besoins, a expliqué celle qui a traîné 2 lb de bouffe sur les 339 km de la course. J’ai appris de mes expérience­s, je me suis informée et j’ai obtenu de l’aide. J’ai pu faire le plein d’énergie et j’ai fait confiance à une petite pilule naturelle, Gluten Relief, au cas où. »

EN PLEIN CONTRÔLE

En arrivant sur ses deux jambes et allumée au 192e km, elle a eu des flashback de l’an dernier. Elle a revu l’endroit en pleine ascension où elle avait perdu connaissan­ce près d’un muret de rochers.

Ses deux sauveteurs sont venus à sa rencontre. Elle a de plus eu la grande surprise de voir une amie du Québec qui l’attendait en compagnie de son fils pour immortalis­er le moment.

Solide, l’émotion l’a tout de même envahie.

« Je me suis encore effondrée, mais pas pour les mêmes raisons, a-t-elle blagué. Cet endroit m’a cassé les jambes une fois de plus. Je me suis aperçue que je n’aurais jamais pu continuer l’an dernier. À partir de ce moment, l’épreuve est devenue plus intense. C’était de l’inconnu comme je ne l’avais pas fait. J’ai savouré chaque instant avec des paysages que je n’avais jamais vus. J’étais estomaquée. »

AVEC SON CONJOINT

L’athlète était privilégié­e dans cette nouvelle aventure, car elle était accompagné­e de son copain Danny Landry, aussi dans la quarantain­e.

Il avait rallié le fil d’arrivée l’an dernier en 137 h sans savoir que sa conjointe était en difficulté.

Ils devaient à nouveau chacun suivre leur propre route, mais les plans ont changé sur la ligne de départ. Avec le mauvais temps menaçant en altitude, ils ont convenu de courir ensemble les premières dizaines de kilomètres.

Dans le plus grand bonheur et l’entraide, ils se sont finalement soutenus sur les 339 km et 30 000 m de dénivelé positif de la compétitio­n, croisant l’arrivée à Courmayeur après six jours, en 144 h.

Marois a réussi son exploit et trouvé la formule gagnante à sa maladie. Elle veut maintenant s’attaquer aux montagnes et à l’escalade, un univers qui l’interpelle.

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