L’obésité maternelle peut affecter les enfants
Les enfants nés de mères sévèrement obèses sont plus à risque d’être touchés par un cancer pendant les premières années de leur vie.
Les cancers chez l’enfant sont, heureusement, des phénomènes rares, les enfants représentant moins de 1 % de tous les patients cancéreux.
Contrairement aux cancers adultes, qui prennent des décennies à se développer et qui sont fortement modulés par le mode de vie, les cancers pédiatriques sont causés par des gènes défectueux transmis par l’hérédité, lors de la conception ou encore par des mutations qui se produisent au cours de la grossesse ou très tôt dans l’enfance.
Plusieurs observations suggèrent cependant que dans la majorité des cas, ces anomalies génétiques ne sont pas suffisantes pour provoquer un cancer.
Par exemple, des études réalisées chez les jumeaux identiques (qui partagent exactement les mêmes gènes) ont montré que le développement simultané de leucémies chez les deux jumeaux était un phénomène relativement rare ; en effet, en dépit de la présence des mêmes anomalies génétiques chez les deux enfants, seulement 5 % des paires de jumeaux sont simultanément touchés par la maladie. De plus, l’analyse du sang de nouveau-nés montre que seulement 1 % des enfants ayant acquis au cours de la gestation une anomalie génétique susceptible de provoquer une leucémie seront éventuellement touchés par la maladie.
Il semble donc que d’autres facteurs, probablement liés à l’environnement biochimique et physiologique dans lequel se trouvent les cellules cancéreuses, participent au développement de la maladie.
OBÉSITÉ MATERNELLE
Selon une étude récente, l’obésité maternelle pourrait être l’un de ces facteurs (1). En analysant les dossiers de près de 2 millions d’enfants nés entre 2003 et 2016, les chercheurs ont noté que 2352 d’entre eux avaient été diagnostiqués avec un cancer avant l’âge de 14 ans, les plus communs étant les leucémies aiguës, particulièrement la leucémie lymphoblastique aiguë et le neuroblastome (une tumeur cérébrale).
Une analyse plus poussée a montré que ce risque était significativement influencé par l’indice de masse corporelle (IMC) de la mère avant la grossesse : les enfants nés de mères fortement obèses (IMC > 40) avaient 32 % plus de risque d’être touchés par un cancer en général et un risque 57 % plus élevé de leucémies dans les 5 premières années de vie comparativement à ceux nés de mères présentant un IMC normal (18-25).
On sait depuis plusieurs années que l’obésité représente un important facteur de risque de plusieurs cancers chez les adultes, mais c’est la première fois que l’excès de poids est associé à une hausse du risque d’un cancer pédiatrique, en particulier les leucémies aiguës.
Selon les auteurs, il est probable que les débalancements hormonaux (en particulier au niveau de l’insuline et du insulin-like growth factor) et la hausse de l’inflammation causés par l’obésité maternelle atteignent la circulation foetale où ils peuvent favoriser la croissance incontrôlée de certaines cellules et l’apparition d’un cancer dans les premières années de vie de l’enfant.
GAIN DE POIDS GESTATIONNEL
Qu’en est-il du poids accumulé pendant la grossesse ?
Selon les résultats de l’étude, le gain de poids gestationnel n’a pas d’impact majeur sur le risque de leucémie, mais pourrait favoriser le développement de l’autre type de cancer pédiatrique le plus commun, les neuroblastomes : l’analyse des données montre que les enfants nés de mères qui avaient pris plus de 30 kg durant leur grossesse avaient deux fois plus de risque d’être touchés par ce cancer.
Pour réduire ce risque, ils recommandent donc d’éviter un gain de poids excessif durant la grossesse : pour les femmes de poids normal (IMC aux environs de 25), un gain de 10 à 15 kilos est généralement recommandé ; par contre, les femmes qui présentent un excès de poids au départ (IMC entre 25 et 30) devraient limiter ce gain à 7-10 kg et encore moins lorsqu’elles sont obèses.
La hausse du risque de leucémies aiguës chez les enfants nés de mères très obèses suggère également que les femmes qui désirent un enfant auraient avantage à perdre du poids avant de devenir enceintes pour éviter l’exposition du foetus en développement aux importantes perturbations métaboliques causées par l’obésité.
(1) Stacy SL et coll. Maternal obesity, birth size, and risk of childhood cancer development.Am. J.
Epidemiol. 2019 ; 188 : 1503–1511.