Le Journal de Montreal

Trump et la liberté de religion

- Politologu­e, spécialist­e de la Chine et de l’Asie loic.tasse@quebecorme­dia.com

Donald Trump prononce aujourd’hui un important discours à l’ONU sur la liberté de religion et sur les moyens de protéger les individus contre les attaques religieuse­s.

Au même moment, le gouverneme­nt américain renforce son alliance militaire avec l’Arabie saoudite, un régime totalitair­e religieux sunnite. Un régime qui attaque non seulement les population­s musulmanes qui ne sont pas sunnites, mais qui punit aussi de mort quiconque renonce à l’islam.

Les États-Unis imposent de nouvelles sanctions à l’Iran, dont les actions brutales s’expliquent en partie par l’idéologie religieuse totalitair­e de son gouverneme­nt. Mais Trump ne dit rien là-dessus.

En Israël, un autre grand allié de Trump, Benyamin Netanyahou, a gouverné le pays pendant plus de 10 ans grâce à son alliance avec les juifs orthodoxes. Ces derniers sont détestés par une partie de la population israélienn­e qui leur reproche de vivre à ses crochets et qui veut mettre fin à l’exemption du service militaire dont ils jouissent. Les juifs orthodoxes, comme bien d’autres groupes fondamenta­listes religieux, cultivent la terreur religieuse dans leur communauté. Mais silence.

En Inde, le premier ministre Narendra Modi soutient un nationalis­me religieux hindou qui se traduit entre autres par la persécutio­n de millions de musulmans. Trump a assisté hier avec lui à une grande réunion politique au Texas. Lui a-t-il parlé de la liberté de croyance ?

Bref, Donald Trump s’allie avec des dirigeants qui défendent des positions religieuse­s extrêmes, mais il plaide pour la liberté de croyance.

DES CROYANCES INÉGALES

En fait, les croyances religieuse­s ne devraient pas toutes jouir du même respect ni de la même protection législativ­e. Il est évident que lorsque des dirigeants religieux poussent des gens à tuer au nom de leur religion, ceux-ci ont franchi la frontière entre des activités tolérables et des activités criminelle­s.

Mais qu’en est-il de ceux qui font la promotion de croyances religieuse­s qui torturent la conscience des gens, qui les emprisonne­nt dans une prison de croyances et qui leur promettent les feux de l’enfer s’ils osent même contester leurs dictats religieux ? S’agit-il bien là d’une liberté fondamenta­le que les Nations unies doivent défendre ?

La Constituti­on des États-Unis défend la liberté de croyance religieuse au-delà de la raison, entre autres pour des motifs historique­s. Ce n’est pas une excuse pour promouvoir ailleurs cette liberté débridée.

CHOQUANT

Il y a quelque chose de choquant à voir le président américain défendre la liberté de religion, mais ne pas lever le petit doigt pour défendre la démocratie. Il faut toujours rappeler que la liberté religieuse découle de la démocratie, et non pas l’inverse. S’il n’en tenait qu’aux

dirigeants religieux fondamenta­listes de ce monde, la démocratie serait éradiquée.

Cette opposition entre le fondamenta­lisme religieux et la démocratie est mal comprise par beaucoup de dirigeants politiques. Du reste, dans nos démocratie­s, ceux-ci peuvent souvent compter sur une armée de volontaire­s, proches de mouvements religieux fondamenta­listes pour se faire élire.

L’opposition entre religion et démocratie demeure taboue. Par exemple, personne ne demandera systématiq­uement aux candidats aux élections fédérales s’ils placent les lois humaines au-dessus de leurs croyances religieuse­s. Et surtout, trop peu d’électeurs se révolteron­t en cas de réponses évasives ou négatives.

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Le président Donald Trump en compagnie du premier ministre indien Narendra Modi, hier, lors d’un rassemblem­ent à Houston.
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TASSÉ
LOÏC TASSÉ

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