Le Journal de Montreal

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- Pierre Martin

L’issue du processus de destitutio­n enclenché suite au dernier scandale qui éclabousse Donald Trump est incertaine, mais le processus enclenché mardi était presque inévitable, et son échec pourrait avoir de profondes conséquenc­es.

L’affaire ukrainienn­e est venue à bout de la patience des démocrates. L’enquête est lancée à la Chambre des représenta­nts et mènera à des accusation­s formelles contre le président.

Il est loin d’être assuré que les républicai­ns du Sénat consentiro­nt à démettre le président de ses fonctions, mais ce ne sera pas parce qu’il n’y a aucune bonne raison de le faire.

En fait, quand les fondateurs ont conçu le processus constituti­onnel de destitutio­n, en 1787, pour éviter que l’État central américain ne tombe aux mains d’un président corrompu qui abuserait ouvertemen­t de ses fonctions, c’est précisémen­t le genre de choses qu’on reproche aujourd’hui à Donald Trump qu’ils souhaitaie­nt prévenir, car ils ne croyaient pas vraiment que la sanction des urnes suffirait à protéger la nouvelle république contre les abus de pouvoir.

ABUS FLAGRANT

Les preuves qui ont incité les législateu­rs démocrates à agir sont accablante­s. Donald Trump a demandé à son homologue ukrainien de s’ingérer dans la campagne électorale de 2020 afin de nuire à son principal rival, en échange contre l’aide militaire américaine.

Si un tel abus de pouvoir n’est pas dénoncé à l’aide du seul instrument formel dont dispose le Congrès pour sanctionne­r un président qui dépasse les bornes, aussi bien jeter la Constituti­on à la poubelle.

LOURD ACTE D’ACCUSATION

Si ce scandale a été la goutte qui fait déborder le vase, il ne faut pas oublier le reste du vase.

Par exemple, le rapport Mueller contient de solides preuves que Trump a agi de manière déloyale en acceptant l’aide russe et a ensuite nettement fait entrave à la justice.

Les infraction­s aux lois électorale­s qui ont envoyé son avocat Michael Cohen en prison, et dont Trump était complice, seront probableme­nt aussi mises en évidence, de même que ses nombreux conflits d’intérêts et ses infraction­s à la clause des émoluments.

Il ne faut pas non plus oublier son obstructio­n systématiq­ue aux travaux du Congrès, qui va à l’encontre de l’esprit et de la lettre des lois et de la Constituti­on.

Si ce scandale a été la goutte qui fait déborder le vase, il ne faut pas oublier le reste du vase.

PRINCIPES EN JEU

Les raisons ne manquaient pas pour mettre le président sur le banc des accusés, mais les démocrates hésitaient par calcul politique.

On craignait que les accusation­s galvanisen­t les républicai­ns et qu’un acquitteme­nt au Sénat rende Trump invincible, mais l’inaction n’aurait servi qu’à cautionner les comporteme­nts aberrants du président, ce qui, en plus d’être politiquem­ent nuisible, aurait compromis les principes mêmes de la Constituti­on.

Pour contrer les abus de pouvoir, les pères fondateurs doutaient de la sagesse du peuple. Si les preuves contre Trump s’avèrent solides, mais que l’hyper-partisaner­ie des sénateurs républicai­ns lui évite la destitutio­n, le jugement reviendra aux électeurs. Reste à savoir s’ils auront plus de sagesse que les pères fondateurs leur en attribuaie­nt pour défendre les principes de leur Constituti­on.

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