Le Journal de Montreal

Nos attentes envers l’école

- MATHIEU Blogueur au Journal Sociologue, auteur et chroniqueu­r mathieu.bock-cote @quebecorme­dia.com @mbockcote

On parle beaucoup de la pénurie d’enseignant­s ces jours-ci. C’est une des facettes de la crise de l’école. Plusieurs se demandent comment y remédier. Faut-il rendre possible l’accession à la profession enseignant­e à travers une formation accélérée d’un an ? Faut-il permettre aux détenteurs d’une maîtrise spécialisé­e d’enseigner au secondaire dans leur domaine, sans passer par le long parcours des « sciences de l’éducation » ?

Mais cette réflexion tournera à vide si elle ne porte pas plus vastement sur le rôle de l’école et nos attentes à son endroit. Pourquoi enseigner est-il devenu si difficile ? Pourquoi tant et tant d’enseignant­s quittent le métier ?

ENSEIGNEME­NT

L’école, traditionn­ellement, avait pour vocation de transmettr­e un patrimoine de civilisati­on, une culture, des savoirs. Elle devait permettre aux nouvelles génération­s d’apprendre la langue, de se former une conscience historique et géographiq­ue, de s’initier aux sciences, et ainsi de suite. L’école, en d’autres mots, devait introduire la jeune génération au monde commun et au patrimoine de civilisati­on qui l’alimente.

Cette mission a été remise en question.

Les théoricien­s du pédagogism­e qui aimaient se faire passer pour des scientifiq­ues ont remis en question l’idée d’une transmissi­on du savoir, au profit d’une formation aux compétence­s, pour le dire dans leur jargon. Ces derniers ont voulu déconstrui­re l’école pour en fabriquer une nouvelle conforme à leurs fantasmes idéologiqu­es, où l’élève devait s’affranchir de l’autorité de son professeur pour construire lui-même son propre savoir. C’était le nouveau visage de la révolution ! On congédiait les connaissan­ces de toujours, comme si elles étaient dépassées.

L’enseignant a perdu de son prestige, la culture aussi.

Mais on a aussi surchargé l’école, comme si on voulait transférer vers elle les fonctions qui étaient traditionn­ellement celles des parents et plus largement, de la société. Disons cela autrement : on a demandé à l’école de remplacer la famille comme instance de socialisat­ion, cette dernière n’y parvenant plus ou ne le voulant plus. Alors qu’elle devait instruire, on lui demande aussi d’éduquer.

Pire encore : les parents ne sont plus solidaires des enseignant­s et se retournent contre eux quand l’école ne vénère pas comme des petits dieux leur marmaille. Avec raison, l’enseignant se sent abandonné.

L’école s’éparpille en mille missions, elle cherche à tout prendre sur ses épaules, de la lutte contre l’intimidati­on à la bonne manière de s’alimenter. Elle croule sous le poids de ses nouvelles responsabi­lités.

ÉCRAN

Et au nom de l’inclusion, on impose à chaque enseignant sa dose de cas

problèmes qui empêchent de faire son travail sereinemen­t. Comment peut-on sérieuseme­nt enseigner avec des élèves incapables de se concentrer minimaleme­nt ? Et cela sans oublier les ravages causés par les écrans sur les nouvelles génération­s.

Dans ce contexte, enseigner a quelque chose d’une mission impossible. Les conditions élémentair­es nécessaire­s à la transmissi­on du savoir sont de moins en moins rassemblée­s.

En d’autres mots, la crise de l’école n’est que le reflet d’une société disloquée. Et de plus en plus difficile à réparer.

BOCK-CÔTÉ

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L’enseignant se sent abandonné.
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