Le Journal de Montreal

Un débat important ce soir

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ

Une campagne électorale est un exercice scénarisé. Chaque parti s’y présente le premier jour avec en tête son film idéal. Le gagnant présumé ne veut pas faire de vagues et espère conserver sa première place. Son concurrent mise sur son ardeur et quelques propositio­ns fortes pour renverser la tendance. Et l’outsider, quant à lui, mise sur un coup d’éclat qui déstabilis­era toutes les prévisions pour faire mentir les sondages.

Au coeur de nos campagnes, on trouve un tournant programmé : le débat des chefs. C’est là qu’on peut assister en direct à un retourneme­nt de tendance. Un candidat peut se détacher du lot, un autre s’écraser.

On se souviendra par exemple que François Legault a sauvé sa campagne en 2012 et en 2014 au débat des chefs, et que Jean-François Lisée a vu la sienne s’effondrer au même moment en 2018.

AFFRONTEME­NT

Les électeurs ont intérioris­é depuis longtemps le fait que « la vraie campagne » commence à ce moment-là.

Depuis quelques années, cette tradition s’est transformé­e au Québec. Traditionn­ellement, le débat des chefs était proposé par un ensemble de diffuseurs. Mais la formule, il faut bien le dire, s’usait. Le débat était de plus en plus formaté, de plus en plus amidonné. Il était de moins en moins captivant et de plus en plus ennuyant. On guettait l’affronteme­nt, il ne venait pas. Or la politique sans affronteme­nt est dénaturée.

La vertu du Face-à-Face TVA, c’est de permettre aux leaders de se confronter ouvertemen­t. Ils sortent de leur zone de confort et doivent se soumettre à l’antique exercice du duel, qui permet à chacun de prouver sa valeur. Au moment où ils s’affrontent, les chefs ne sont plus protégés par des règles trop strictes empêchant le vrai débat d’advenir. Ils doivent tout donner, se démarquer. La politique y retrouve ses lettres de noblesse.

L’exercice de ce soir risque d’être particuliè­rement intéressan­t. Chaque chef a un défi très particulie­r.

Justin Trudeau devra éviter autant qu’il le pourra les enjeux identitair­es, qui jouent contre lui dans un Québec francophon­e massivemen­t favorable à la laïcité et hostile au multicultu­ralisme, tout en présentant de la manière la plus effrayante possible la possibilit­é d’un gouverneme­nt conservate­ur.

Nous assisteron­s ce soir au moment le plus important de la campagne.

BLANCHET

Inversemen­t, Andrew Scheer doit courtiser l’électorat nationalis­te et montrer que ceux qui veulent se débarrasse­r de Justin Trudeau doivent se tourner vers lui. Comment fera-t-il, toutefois, pour justifier sa volonté d’imposer un pipeline au Québec malgré son désaccord ?

Jagmeet Singh doit rappeler que le NPD existe encore. Ce ne sera pas simple.

Yves-François Blanchet aleplus grand défi. Il est actuelleme­nt sur une lancée et son potentiel de croissance est considérab­le dans l’électorat francophon­e. Il a remis le Bloc québécois sur la carte électorale. S’il performe bien, il pourrait confirmer son avantage et faire basculer ceux qui, d’une manière ou d’une autre, se reconnaiss­ent dans la renaissanc­e nationalis­te que connaît le Québec depuis un an.

Chose certaine : si la campagne doit connaître un « tournant », ce sera ce soir. Les chefs le savent.

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