Il se sert du suicide de son fils pour aider les jeunes
Une campagne-choc de sensibilisation est amorcée ce soir
QUÉBEC | Un père endeuillé a accepté de fournir l’enregistrement de l’appel qu’il a fait au 911 lorsqu’il a découvert le corps inanimé de son fils qui venait de s’enlever la vie, pour une campagne-choc de prévention du suicide.
La vie de Martin Garneau et de sa petite famille a basculé le 4 octobre 2017. Revenant d’une journée au chalet, il a retrouvé son fils William sans vie dans la maison familiale. Le jeune homme de 17 ans avait mis fin à ses jours.
Désemparé, en détresse comme seul peut l’être un père qui perd un enfant, le restaurateur de Victoriaville a aussitôt appelé les urgences.
« C’est mon fils, madame ! » lance la voix de l’homme dans la vidéo. À la téléphoniste qui lui explique les manoeuvres de réanimation, le père signale que son enfant ne respire pas, ne bouge pas. « Je ne suis pas capable ! » crie-t-il, désespéré.
«RESTE»
Dans la vidéo, on voit également un jeune homme troublé encouragé par ses proches à choisir la vie. « Reste », lui disent-ils.
Martin Garneau se remémore ce moment avec douleur.
« Tu es démuni complètement, tu ne sais plus quoi faire, tu penses que tu peux le sauver [...] jusqu’au moment où le médecin t’annonce que c’est fini, il n’y a plus rien à faire », confie-t-il, en entrevue avec notre Bureau parlementaire dans le bureau du whip du gouvernement, Éric Lefebvre.
Cette image de son fils sans vie est gravée dans sa mémoire. « Perdre un enfant, ce n’est pas normal, dit-il. On a eu besoin de beaucoup d’aide par la suite pour enlever cette image-là ».
Et cette campagne de prévention du suicide qui sera lancée ce soir à Victoriaville aide en quelque sorte Martin Garneau et sa famille dans leur deuil. Ils ont décidé de se servir du drame qu’ils ont vécu pour tenter de sauver d’autres jeunes confrontés au même mal-être.
Selon M. Garneau, rien ne laissait présager que son William allait poser un tel geste. « Un petit gars tout à fait normal, brillant à l’école, brillant dans la société, brillant à parler, super le fun. Jamais, jamais on n’aurait pensé. Quand on dit que le suicide n’a pas de visage, c’est ça ».
William avait laissé une lettre pour expliquer son geste.
« C’est la société d’aujourd’hui, difficile d’y vivre là-dedans, la performance. […] il n’était pas heureux de vivre là-dedans, dans cette société-là ».
PLUS DE MORTS QUE SUR LA ROUTE
Son ami, le député Éric Lefebvre, s’est personnellement impliqué dans l’aventure. Selon lui, la capsule pourrait faire la différence auprès de jeunes en détresse. Selon
le whip du gouvernement, le mot « reste » n’aura plus jamais la même signification après le visionnement de la vidéo.
M. Lefebvre est intervenu auprès de la ministre de la Santé Danielle McCann et du responsable des dossiers jeunesse, Samuel Poulin, pour pouvoir bénéficier de fonds provenant de leur budget discrétionnaire.
Catherine Coutel, directrice générale du Centre de prévention suicide Arthabaska-Érable, signale qu’au Québec, il y a deux fois et demie plus de morts par suicide que par accident de la route.
« Il y a une détresse qui est importante, il faut vraiment en parler, croit-elle. Ce n’est pas honteux d’avoir une détresse, tout le monde peut avoir une détresse. Il n’y a pas d’étiquette, il n’y a pas de classe sociale ».