Le Journal de Montreal

Automobili­stes pris en otage matin... et soir

√ Après le bouchon monstre du matin sur la Rive-Sud, congestion à Montréal en soirée √ Les coups d’éclat non violents pourraient se multiplier pour pousser les gouverneme­nts à agir pour le climat

- DOMINIQUE SCALI ET JONATHAN TREMBLAY (voir texte en page 4). Journal, – Avec TVA Nouvelles et l’Agence QMI

Non seulement des milliers d’automobili­stes ont été pris en otage par une poignée d’écologiste­s grimpés sur la structure du pont JacquesCar­tier hier matin, mais des milliers d’autres, et peut-être les mêmes, ont subi un sort identique à l’heure de pointe du soir en raison d’une manifestat­ion d’environ 250 personnes en plein centre-ville.

Les deux manifs ont été organisées par Extinction Rebellion, un groupe écologiste internatio­nal plus radical.

« On n’arrêtera pas de se mobiliser tant et aussi longtemps qu’il n’y aura pas eu de changement­s à la hauteur de ce que la science exige, que la nature exige et que la suite du monde exige », a crié dans un porte-voix, en soirée, le metteur en scène et instigateu­r du « Pacte pour la transition », Dominic Champagne. Il a été chaudement applaudi.

CONDUCTEUR­S FURIEUX

Ce n’était rien pour se faire des amis parmi les automobili­stes qui rongeaient leur frein dans le trafic. Le centre-ville a été paralysé une bonne partie de la soirée.

« Je suis enragée. Je vais manquer le gala de mon fils que j’attends depuis un an », pestait Sonia Bérubé, 43 ans, à bord de son véhicule.

À 20 h, les manifestan­ts se trouvaient toujours à l’angle Mansfield et René-Lévesque. Ils étaient assis ou couchés. Certains jouaient de la musique malgré le bruit des klaxons d’automobili­stes qui bouillaien­t d’impatience.

« Il faut maintenant déranger le quotidien parce que ce quotidien-là est en train de nous tuer », avait déclaré en matinée une des militantes, dans une vidéo captée du haut de la structure du pont Jacques-Cartier.

Avec l’« effervesce­nce » du mouvement environnem­ental d’une part et « l’inaction » des gouverneme­nts d’autre part, les manifestan­ts et coups d’éclat vont devenir de plus en plus nombreux, prédisent des groupes interrogés hier.

« DU JAMAIS-VU »

« C’est juste le début », prévient Normand Beaudet, un des membres fondateurs du Centre de ressources sur la non-violence.

« Et pas seulement par Extinction Rebellion, dit-il. Il y a une panoplie d’organisati­ons mobilisées. »

Le milieu observe d’ailleurs un engoue

ment grandissan­t pour les formations d’Extinction Rebellion sur la désobéissa­nce civile, qui sont ouvertes au public.

Depuis janvier, le groupe estime avoir rempli une salle d’une trentaine de personnes par semaine pour un total d’environ 350. Les participan­ts y sont formés aux rudiments de la désobéissa­nce civile, par exemple sur les façons de se faire arrêter.

« Au Québec, c’est du jamais-vu », s’exclame M. Beaudet, qui a été invité comme conférenci­er dans ces ateliers.

STRATÉGIE CONTROVERS­ÉE

Au sein du mouvement, il existe un consensus pour que les actions restent pacifiques.

« Pas de violence, pas de dommages », résume André Bélisle, de l’Associatio­n québécoise de lutte contre la pollution atmosphéri­que. Cette stratégie ne fait pas l’unanimité

Les actions d’hier ont d’ailleurs attiré les foudres des automobili­stes, qui trouvaient les gestes « paradoxaux », allant jusqu’à dire que les activistes feraient « reculer leur cause ».

« C’est fatigant, à l’heure de pointe. Des milliers de gens veulent rentrer chez eux ou aller travailler », déplorait Carmine Mangiante à bord de son camion pris entre véhicules et autobus.

Des internaute­s ont aussi accusé l’organisati­on de contribuer aux gaz à effet de serre en les obligeant à emprunter des déviations pour se rendre à destinatio­n.

« C’est négligeabl­e par rapport à ce qu’il faut pour une mobilisati­on citoyenne », s’est défendu Louis Ramirez, d’Extinction Rebellion.

« C’est sûr qu’il faut faire attention pour que les citoyens ne jettent pas la cause aux poubelles [parce qu’ils sont en colère] », renchérit Karel Mayrand, de la Fondation Suzuki.

Mais celui-ci croit que les gestes spectacula­ires ont autant leur place que la « saine pression » que son organisme tente d’exercer sur les gouverneme­nts depuis près de trois décennies.

« Si on avait réussi, je ferais autre chose en ce moment. »

HORS LA LOI

« Les premières femmes qui ont demandé le droit de vote, les premiers Noirs qui sont allés s’asseoir dans un restaurant pour Blancs, ils étaient hors la loi », avait illustré Dominic Champagne, en entrevue au vers 15 h.

Selon lui, il faut davantage s’inquiéter des réactions de la nature aux changement­s climatique­s que de l’intensific­ation des actions militantes.

« On est chanceux au Québec. On a eu seulement [89] personnes qui sont mortes lors de la canicule de 2018 », a-t-il ironisé.

En fin de soirée, les trois militants écologiste­s arrêtés après avoir escaladé le pont avaient été libérés sous promesse de comparaîtr­e par la Sûreté du Québec.

PLUSIEURS ARRESTATIO­NS

Chantal Poulin, Mélanie Dupuis et Yann Robitaille devraient faire face à des accusation­s de méfait et de complot, lors de leur comparutio­n le 24 octobre au palais de justice de Montréal.

En fin de soirée hier, le Service de police de la Ville de Montréal signifiait avoir procédé au moins à une quarantain­e d’arrestatio­ns, face à la cathédrale Marie-Reinedu-Monde, sur le boul. René-Lévesque.

 ?? CAPTURE D’ÉCRAN TVA NOUVELLES ?? Les trois activistes téméraires ont été intercepté­s par des policiers de la Sûreté du Québec, au sommet du pont Jacques-Cartier, hier matin. Cette escalade a causé la fermeture complète du pont, causant un bouchon monstre à l’entrée de Montréal.
CAPTURE D’ÉCRAN TVA NOUVELLES Les trois activistes téméraires ont été intercepté­s par des policiers de la Sûreté du Québec, au sommet du pont Jacques-Cartier, hier matin. Cette escalade a causé la fermeture complète du pont, causant un bouchon monstre à l’entrée de Montréal.
 ?? D’ÉCRAN TVA NOUVELLES CAPTURES ?? Soir C’était la congestion totale au centre-ville de Montréal, hier, à l’heure de pointe. En mortaise, on peut voir la cause de ce trafic, soit moins de 300 manifestan­ts. La police a effectué une quarantain­e d’arrestatio­ns (photo ci-contre).
D’ÉCRAN TVA NOUVELLES CAPTURES Soir C’était la congestion totale au centre-ville de Montréal, hier, à l’heure de pointe. En mortaise, on peut voir la cause de ce trafic, soit moins de 300 manifestan­ts. La police a effectué une quarantain­e d’arrestatio­ns (photo ci-contre).

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