Le Journal de Montreal

Les rebelles et le « vert pâle »

- ANTOINE ROBITAILLE antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

Quand j’ai vu les militants d’Extinction Rebellion dans la structure du pont Jacques-Cartier, hier matin, j’ai pensé à Steven Guilbeault.

Lorsqu’il était membre de Greenpeace en 2001, l’actuel candidat libéral dans Laurier–Sainte-Marie avait escaladé illégaleme­nt la tour CN à Toronto avec un collègue, afin d’attirer l’attention sur « le réchauffem­ent atmosphéri­que de la planète », comme on l’écrivait à l’époque.

Ils y avaient déroulé (eux avaient réussi !) une grande banderole sur laquelle on pouvait lire « Canada and

Bush: climate killers », afin de dénoncer la timidité des deux pays sur l’accord de Kyoto.

SUR DES OEUFS

Quand j’ai pu lui demander au téléphone ce qu’il pensait du geste d’hier des écolos sur le pont montréalai­s, le nouveau politicien semblait marcher sur des oeufs.

Difficile de condamner un tel coup d’éclat quand on a fait à peu près la même chose dans le passé.

« Je ne fais plus des gestes d’éclat comme ça depuis un certain temps. Mais ce n’est pas à moi de juger si les gens devraient ou non faire ça. »

Dénoncer, cela lui assurerait de se faire encore traiter de « vert pâle » – bref de traître à la cause.

Il osera quand même dire qu’aujourd’hui, il préfère chercher à créer un « dialogue » avec la population, afin qu’elle devienne « une alliée dans cette lutte aux changement­s climatique­s ».

L’URGENCE

Évidemment, on lui répondra qu’il n’y a plus de temps à perdre, qu’il faut agir vite, très vite. Et que certaines règles méritent d’être transgress­ées, voire mises entre parenthèse­s. Quand on entre dans une logique de l’urgence, c’est évidemment ce qui arrive.

Dans son message vidéo, Chantal Poulin, l’une des militantes ayant escaladé le pont hier, admettait « poser une action […] illégale » en insistant – telle une sorte d’Antigone verte – sur le fait qu’elle était « morale ».

Québec solidaire a refusé de condamner le geste d’Extinction Rebellion hier. Cela rappelle d’ailleurs que le parti de gauche a promis un « barrage parlementa­ire » à partir d’octobre 2020 si la CAQ ne livrait pas un plan satisfaisa­nt de lutte aux GES. « S’il échoue à respecter cet ultimatum, nous ferons un barrage à son gouverneme­nt en usant de tous les moyens dont nous disposons, à l’Assemblée nationale comme dans la rue, pour le forcer à agir », tonne-t-on sur le site de QS.

Steven Guilbeault ne nie absolument pas l’urgence et dit « comprendre l’angoisse » de certains. Mais il tient à relativise­r les déclaratio­ns apocalypti­ques : « Moi, je n’ai pas lu un seul rapport du GIEC qui dit “il reste 10 ans”. […] La science ne nous dit pas “demain matin, c’est fini” ! »

Du reste, affirmer qu’il ne se fait « rien » actuelleme­nt dans nos sociétés est une « fausseté », insiste-t-il.

« Même dans les États-Unis d’Amérique de Trump, il y a plus d’emplois dans le solaire que dans le charbon, le pétrole et le gaz réunis. La transforma­tion, elle a commencé, mais ça ne se fait pas en criant ciseaux. »

Ni, sans doute, en escaladant des ponts.

Difficile de condamner un tel coup d’éclat quand on a fait à peu près la même chose dans le passé.

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Justin Trudeau et Steven Guilbeault
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