Où était Justin ?
La remontée du Bloc québécois est de loin la grande surprise de la campagne.
Un sondage Léger/La Presse canadienne le place même en tête chez les francophones. Qui l’eût cru ? Le dernier débat des chefs diffusé hier sur les ondes de Radio-Canada n’a sûrement rien fait pour ralentir sa résurrection.
Or, contrairement aux attentes, sauf pour un échange plus vif sur le
« vrai pouvoir » impossible à prendre par le Bloc, les autres chefs se sont gardés, fort sagement, d’en faire leur cible centrale. Un feu trop nourri contre le chef bloquiste Yves-François Blanchet aurait été très mal accueilli par de nombreux francophones.
Nettement plus éclairant que le débat anglais tout à fait cacophonique, la vraie cible des attaques, cette fois-ci, était bel et bien le chef libéral et premier ministre sortant. Hormis pour ses réponses fortes sur l’aide médicale à mourir et SNC-Lavalin, il semblait néanmoins éteint. Le Justin Trudeau des « voies ensoleillées » de 2015 n’est plus au rendez-vous.
Sur l’urgence climatique, les conditions de vie des peuples autochtones et le vieillissement de la population, il a trop souvent raté l’occasion de plaider sa volonté d’agir plus résolument. Sur les services déficients offerts aux Franco-Canadiens depuis longtemps, il s’est limité à des généralités.
L’ÉCHO DE SCHEER
En lançant que le transport du pétrole albertain par oléoduc serait « mieux que plus de pétrole sur rail », il s’est même fait l’écho parfait du chef conservateur Andrew Scheer. Pour des idées claires, il fallait se tourner vers les chefs qui ne prendront jamais le pouvoir : le néo-démocrate Jagmeet Singh, le bloquiste Yves-François Blanchet et Elizabeth May du Parti vert.
La remontée du Bloc et celle du NPD, certes plus modeste, mais non moins réelle, en sont le reflet. À écouter leurs chefs respectifs, on se prenait presque à rêver d’un gouvernement minoritaire. Dans un tel scénario, le prochain gouvernement n’aurait d’autre choix que de se mettre à leur écoute.
Quant au chef conservateur Andrew Scheer, depuis sa performance décevante au
Face-à-Face TVA et les rappels répétés de son conservatisme social inquiétant, son « cas », de toute manière, était déjà réglé au Québec. Même ses pointes lancées au chef bloquiste étaient maladroites.
Hormis pour ses réponses fortes sur l’aide médicale à mourir et SNC-Lavalin, Justin Trudeau semblait néanmoins éteint.
ENCORE LA LOI 21
Une dernière chose, l’incontournable loi québécoise sur la laïcité de l’État. Sur les faits, je persiste et signe. Quelles qu’elles soient, les intentions des chefs de se joindre ou non aux contestations de cette loi devant les tribunaux ne changeront rien, mais rien du tout, au sort final de cette loi. Aussi populaire soit-elle au Québec, seule la Cour suprême du Canada finira par en décider. Point final.
Étonnamment, Yves-François Blanchet a refusé de répondre quant aux possibles conséquences politiques d’une éventuelle invalidation pourtant fort probable de la loi 21 par les juges de la Cour suprême. Pense-t-il ou non qu’un tel dénouement pourrait raviver la flamme éteinte de la souveraineté ? Oups. Pas de réponse.
Peut-être bien que la question devrait être aussi posée au premier ministre François Legault.