Le Journal de Montreal

Tannés d’attendre leurs mégawatts

Hydro-Québec multiplie les délais dans le dossier de l’approvisio­nnement des mines de cryptomonn­aie

- OLIVIER ROY MARTIN Collaborat­ion spéciale

Deux entreprene­urs nord-côtiers derrière un projet de mine de cryptomonn­aies sont excédés par les délais et l’incertitud­e financière en lien avec leur approvisio­nnement en énergie.

Depuis novembre 2017, Jérémie Gagnon et Jason Lagacé tentent de construire une mine de cryptomonn­aies dans les immenses locaux d’une scierie abandonnée à Ragueneau, un village près de Baie-Comeau sur la Côte-Nord.

Le projet nécessiter­ait environ 131 400 MW d’électricit­é par année, ce qui représente la consommati­on annuelle moyenne de près de 6000 maisons individuel­les au Québec. L’électricit­é alimentera­it environ 10 000 ordinateur­s qui résoudraie­nt des équations complexes servant à valider les transactio­ns de monnaies virtuelles comme le célèbre bitcoin.

PRÈS DE DEUX ANS D’ATTENTE

L’impossibil­ité d’accéder à de l’électricit­é en quantité industriel­le entrave le développem­ent des mines de cryptomonn­aies au Québec depuis février 2018.

C’est à ce moment qu’Hydro-Québec (HQ) a annoncé qu’elle refusait de raccorder des nouveaux cryptomine­urs en raison de la demande jugée trop forte, même si la loi l’oblige à raccorder ceux qui en font la demande. Pour permettre à HQ d’échapper à son obligation légale, le gouverneme­nt provincial a décrété un moratoire sur le développem­ent des mines de cryptomonn­aies en juin 2018. Québec demandait du même coup à la Régie de l’énergie de déterminer les tarifs et les conditions d’utilisatio­n dans ce secteur. Et le 14 août dernier, HQ a retardé discrèteme­nt de deux mois l’échéancier de la répartitio­n des 300 MW destinés aux entreprene­urs intéressés à développer au Québec les chaînes de blocs.

« Nous sommes très préoccupés par les délais », a alors déploré le conseiller en communicat­ion pour HQ, Jonathan Côté. Ce dernier accusait à ce moment l’Associatio­n des redistribu­teurs d’électricit­é du Québec (AREQ) de retarder le processus des audiences de la Régie de l’énergie.

« Les représenta­nts des réseaux municipaux, avec toutes les contestati­ons qu’ils

font, nous empêchent de mener à terme l’appel de propositio­ns [pour partager les 300 MW disponible­s] », avait-il alors lancé.

« On a toujours travaillé dans le sens de ne rien retarder », s’était défendu le v.-p. de l’AREQ, Christian Laprise, accusant HQ de vouloir « brûler des étapes ».

« LE TEMPS, C’EST DE L’ARGENT »

L’incertitud­e et les délais ont éloigné « la plupart » des investisse­urs pour le projet de

Ragueneau, fait remarquer Jason Lagacé, qui refuse de dévoiler le coût total du projet en invoquant le secret industriel.

« Le temps, c’est de l’argent. Le bâtiment, on l’a. Il faut faire nos frais. Présenteme­nt, il n’y a pas de grosse rentrée d’argent. Donc ça nous retarde », lâche l’homme de 34 ans.

« Mes projets, je ne les ai pas mis sur la glace, mais j’ai été obligé de me trouver une job à 40 heures semaine pour faire vivre ma famille », admet Jérémie Gagnon.

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PHOTO COLLABORAT­ION SPÉCIALE, OLIVIER ROY MARTIN Jason Lagacé et Jérémie Gagnon veulent créer une mine de cryptomonn­aies dans une scierie désaffecté­e de Ragueneau, sur la Côte-Nord.

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