LOUISE DESCHÂTELETS
Y’en a marre de laisser ses propres enfants abuser de soi ?
Si j’ai un seul conseil à donner à Rose-Anne qui signait la lettre publiée ce matin, c’est de ne pas se laisser influencer par ses enfants qui l’incitent à retourner vivre avec leur père, un ex-alcoolique, qu’elle a quitté jadis pour cause de mauvais traitements. Cette femme, qui a su se reprendre en main avec trois enfants à charge en se réfugiant dans une maison pour femmes violentées, ne mérite pas de se faire dicter sa conduite maintenant que le père a vieilli, s’est amendé, et qu’il a besoin d’elle pour en prendre soin.
Il ne faudrait pas qu’elle se laisse persuader de renier une liberté si chèrement gagnée sous le vulgaire prétexte que ça leur fera à tous les deux économiser de l’argent en vivant ensemble. C’est quoi, quelques centaines de dollars, quand on a la sainte paix ? Je vais lui raconter une histoire pour la faire réfléchir.
Ma mère avait enduré mon père, un homme du genre du sien, pendant huit ans. On l’avait vu, mon frère et moi, la tabasser et l’insulter à tout propos. Le jour où elle nous a pris sous son bras pour se réfugier chez une tante fut une libération. Comme Rose-Anne, ma mère s’est reprise en main et on a commencé à respirer.
Nous n’avons recommencé à revoir notre père, mon frère et moi, que sous la supervision d’un travailleur social. Ça a pris dix ans avant de se sentir bien ensemble. Mais jamais on n’aurait eu le culot de demander à notre mère de se sacrifier une deuxième fois pour un homme qui l’avait tant malmenée. On le fréquente, mon frère et moi, mais même s’il regrette le passé et qu’il souhaiterait refaire vie commune avec notre mère, nous, on est contre, ne serait-ce que par pur respect pour le difficile chemin qu’elle a parcouru.
Un gars qui protège sa mère
Tout réside pour Rose-Anne dans le prix qu’elle paiera si elle répond aux désirs de ses enfants. Ce genre de dilemme n’est jamais simple à résoudre, car même en pesant le pour et le contre, des surprises peuvent survenir et faire dévier l’opération de sauvetage d’une famille. Il vaut souvent mieux regarder vers l’avenir que se complaire à vouloir réécrire le passé. Lisez ci-après l’approche d’une autre lectrice sur la même question.
Chacun doit apprendre à occuper sa place et rien que la sienne
Mais de quoi se mêlent ces enfants qui demandent à leur mère Rose-Anne de retourner vivre avec leur père ? S’ils ont fait la paix avec cet homme repentant, malgré ce qu’il leur avait fait subir dans l’enfance, c’est tant mieux pour eux. Mais pourquoi vouloir forcer leur mère à faire pareil ?
En dépit de ce que je viens d’écrire, je ne peux m’empêcher de te faire constater par la bande, Louise, que le retour de leur mère dans le portrait de vie de leur père malade, ça les soulagerait à long terme du fardeau de devoir s’occuper de lui. Et là est le vrai noeud de la question que Rose-Anne devrait regarder en face. Elle est heureuse, cette femme, dans sa situation actuelle, même si l’argent n’abonde pas dans sa vie. Eh bien, qu’elle y reste et qu’elle continue à profiter de cette paix si chèrement gagnée ! Pour moi, l’offre serait refusée, sur-lechamp !
Ginette
Intéressant de soulever la libération que représenterait, pour les enfants, le fait que leur mère prenne soin de leur père malade. Ça m’avait échappé. Mais ça vient s’ajouter aux raisons que je lui donnais d’être très prudente dans sa prise de décision.