Le Journal de Montreal

Soutenir l’équipe locale

- CLAUDE VILLENEUVE claude.villeneuve@quebecorme­dia.com

Je suis trop jeune pour me souvenir des grands moments de la rivalité Canadien/Nordiques.

Quand j’ai commencé à suivre le hockey depuis mon Lac-Saint-Jean natal, l’équipe de l’autre côté du Parc avait son logo dans le dictionnai­re à côté du mot médiocrité, terminant au dernier rang de sa division cinq saisons de suite.

En 1990 et 1991, les fleurdelis­és ne gagnèrent que 12 et 16 matchs respective­ment, ce qui ne rendait pas un bel hommage à notre drapeau et ne donnait vraiment pas le goût de les appuyer.

Souvenir aigre-doux pour les partisans des Nordiques, le dernier chapitre de cette rivalité fut écrit lors des séries de 1993 par Patrick Roy, l’enfant du pays, lorsqu’il orchestra le retour du Canadien en première ronde face aux troupiers de Pierre Pagé, avant d’aller écrire son nom sur le grand trophée.

Il en aura rédigé aussi un épilogue consolateu­r lorsqu’il fut échangé à la concession désormais installée au Colorado, en y gagnant encore la Coupe, en la faisant parader à Québec, puis en rentrant enfin au bercail, deux fois, pour mener les destinées des Remparts.

À L’AUTEL DE MICHEL GOULET

À en juger par ce qu’en disent mes amis de l’Est, les Nordiques régnaient sans partage dans le coeur des amateurs de la Gaspésie, du Bas-Saint-Laurent et de la Côte-Nord. Dans ma région, c’était plus partagé. Michel Bergeron avait confirmé mon impression lors d’un passage à Tout le monde en parle, lorsque Dany Turcotte lui avouait ne l’avoir jamais aimé du temps où il était entraîneur à Québec : « C’est normal, Dany, tu viens du Saguenay ! »

Ma région est donc restée fidèle à la Sainte-Flanelle du bienheureu­x George Vézina, le regretté concombre de Chicoutimi. Il y avait quand même des gens qui communiaie­nt à l’autel de Michel Goulet de Péribonka.

N’empêche que la plupart des gens priaient la tête tournée vers la rue Collard à Alma, où se trouve toujours une célèbre brasserie nommée en l’honneur du Bleuet bionique.

PAS DES JAUNES

On dit souvent que l’allégeance envers un club dépendait du positionne­ment politique. C’est probableme­nt vrai en partie, encore qu’à en juger par la manière dont vote la région de Québec aujourd’hui, ça me surprendra­it.

En tout cas, chez nous, mes parents avaient beau être bleus au moment de voter, nous étions également blancs et rouges quand il s’agissait de hockey.

Sauf que quand mon père nous amenait voir du hockey, c’était au Colisée qu’on allait, pas au Forum. Plus proche, plus pratique, moins cher.

Mon père nous faisait très clairement savoir qu’il n’était pas question de faire cinq heures de char pour aller applaudir des gars venus de Toronto ou de Pittsburgh.

Ma soeur avait une exemption parce qu’elle trouvait Jaromir Jagr beau, mais à l’intérieur du Colisée, il fallait prendre pour les Nordiques.

Non pas que mon père avait peur des partisans de Québec. Ce n’était que solidarité de soutenir l’équipe locale face à des étrangers. « On n’est pas des jaunes. » Les Nordiques restaient notre deuxième équipe préférée.

Ça m’a toujours fait rire parce que n’importe quel partisan des Nordiques que j’ai connu, lui, aurait préféré applaudir n’importe quelle équipe pour avoir le privilège de huer le Canadien de Montréal.

LE LOGO ET LA SUEUR

Reste que cette ambiguïté m’a quand même offert une blague de mon père que je me raconte encore lorsque je m’ennuie de lui.

Il m’avait acheté une casquette des Nordiques lors d’une visite au Colisée et l’été suivant, il l’avait mise pour se protéger le ciboulot pendant qu’il travaillai­t sur le terrain.

J’étais désappoint­é quand je m’étais aperçu que ma belle calotte était toute décolorée après qu’elle eut été trempée de sa transpirat­ion, il m’avait dit : « Qu’est-ce tu veux. Un logo des Nordiques, c’est pas habitué de voir de la sueur. »

Ne manquez pas notre section spéciale dans les sports en pages 118 à 128

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PHOTO D’ARCHIVES Souvenir aigre-doux pour les partisans des Nordiques, le dernier chapitre de cette rivalité fut écrit lors des séries de 1993 par Patrick Roy, l’enfant du pays.
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